Un arsenal de textes a donc été produit pour tenter de définir et d'analyser le droit à l'eau. Lors de la lecture des rapports du gouvernement, parmi les résolutions de l'ONU, les articles universitaires, les normes de l'industrie et des publications des médias, certains d’entres eux présentent le droit à l'eau comme étant un droit juridiquement obligatoire, d’autres comme une responsabilité morale ou bien, ne donnant pas lieu à des obligations réelles dans la pratique.

Le droit d'accès à l'eau a été reconnu comme étant contenu explicitement dans certaines dispositions des conventions internationales comme étant une partie intégrante de la garantie des droits à la santé, à l'hygiène et à l'assainissement de personnes.

Il conviendra donc de s’intéresser tout d’abord, aux différents traités contenant des références à l'eau potable et à l'assainissement (I) puis, aux autres sources de droit n’ayant pas d’effet juridique contraignant (II).


I-/ L'APPLICATION DE TRAITES INTERNATIONAUX EN FAVEUR D'UN DROIT A L'EAU

Par exemple, la Convention sur l'Elimination de Toutes les Formes de Discrimination à l'Egard des Femmes (1979) stipule que:

Article 14(2)
Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans les zones rurales afin d’assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, leur participation au développement rural et à ses avantages et, en particulier, ils leur assurent le droit : […]
h) De bénéficier de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concerne le logement, l’assainissement, l’approvisionnement en électricité et en eau, les transports et les communications.

Le Comité pour l'Elimination de la Discrimination à l'Egard des Femmes a interprété cela comme étant un article « […] qui oblige les États parties à prendre toutes les mesures appropriées pour que les femmes bénéficient de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concerne le logement, l’assainissement, l’approvisionnement en électricité et en eau, les transports et les communications, ce qui est essentiel pour prévenir les maladies et permettre l’offre de soins de santé de qualité […] ». La Convention relative aux Droits de l'Enfant (1989) stipule que:

Article 24
1. Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s'efforcent de garantir qu'aucun enfant ne soit privé du droit d'avoir accès à ces services.
2. Les Etats parties s'efforcent d'assurer la réalisation intégrale du droit susmentionné et, en particulier, prennent les mesures appropriées pour : […]
c) Lutter contre la maladie et la malnutrition, y compris dans le cadre de soins de santé primaires, grâce notamment à l'utilisation de techniques aisément disponibles et à la fourniture d'aliments nutritifs et d'eau potable, compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieu naturel.

Le Comité des Droits de l'Enfant a considéré qu'en vertu de cette disposition, «Les États parties ont la responsabilité de garantir l’accès à l’eau potable, à des installations sanitaires adéquates, à un programme de vaccination approprié, à une bonne alimentation et à des services médicaux de qualité, qui sont essentiels à la santé des jeunes enfants […] ». De même, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant et le Protocole à la Charte Africaine des Droits Humains et des Peuples relatif aux Droits des Femmes en Afrique déclarent aux articles 14 et 15 respectivement que:

Article 14 (2)
Les Etats parties à la présente Charte s'engagent à poursuivre le plein exercice de ce droit, notamment en prenant les mesures aux fins ci-après: […]
(c)assurer la fourniture d'une alimentation adéquate et d'eau potable

Article 15: Droit à la sécurité alimentaire
Les États assurent aux femmes le droit d’accès à une alimentation saine et adéquate. A cet égard, ils prennent les mesures nécessaires pour:
(a) assurer aux femmes l’accès à l’eau potable […]

Les traités, que ce soit sous la forme de déclarations, pactes, accords ou conventions, sont tous des accords en vertu desquels les Etats participants s’engagent juridiquement à effectuer certaines obligations. Bien que légalement contraignant, cela soulève un certain nombre de limites. Les traités internationaux n’engagent pas les Etats qui ne sont pas parties au traité.

Par exemple, l'Iran, le Soudan, le Nauru, la Somalie, Palau, Tonga, et les États-Unis n'ont pas ratifié la Convention sur l'Elimination de toutes les formes de Discrimination à l'égard des Femmes, et la République Démocratique du Congo, la République Arabe Sahraouie Démocratique, la Somalie et le Soudan n'ont pas ratifié la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant. Ces pays (mis à part les États-Unis) sont également officiellement des violateurs des droits de l'homme. En outre, les traités sont juridiquement efficaces dans la mesure où les obligations qu'ils affirment et la capacité des Etats à se conformer à ces obligations sont effectivement contrôlées et appliquées. Les traités mentionnés ci-dessus se réfèrent explicitement à un droit d'accès à l'eau comme étant essentiel dans la défense des droits de l’homme, à des conditions adéquates de vie, la jouissance de la vie, de la santé, etc. Toutefois, la portée et le contenu du droit à l'eau n'est pas décrite. Peut-être la définition la plus importante et la plus détaillée du droit d'accès à l'eau provient de l'Observation Générale 15 du Comité des Nations Unies sur le Pacte International Relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (2002) qui établit un droit à un niveau de vie adéquat (article 11) et un droit à la santé (article 12). Le commentaire no.15 énonce des normes spécifiques concernant le droit à l'eau, y compris le droit de chacun à un droit à l'eau adéquat, qui est continu, sûre, acceptable, physiquement accessible et abordable pour tous, fondé sur la non-discrimination et l’accès adéquat à l'information concernant les questions de l'eau. Le droit à l'eau est donc clairement implicite dans le Pacte. Le Comité a aussi, et surtout, fournit des détails sur le contenu normatif du droit à l'eau, comme contenant des libertés et des droits. Ces libertés comprennent le droit de maintenir l'accès à l'eau, la liberté de toutes ingérences telles que les perturbations et contaminations. Il ya aussi le droit à la gestion de l'approvisionnement en eau qui offre des opportunités égales face à l'accès à l'eau. Le commentaire poursuit en définissant la «disponibilité», «qualité» et «accessibilité» nécessaire. L’observation générale 15 donne une base solide pour déterminer les obligations des Etats en ce qui concerne le droit d'accès à l'eau. Plusieurs États ont accepté et reconnu ce droit à l'eau comme faisant partie de leurs obligations en vertu du Pacte International Relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels.

Le droit d'accès à l'eau est à la fois explicitement et implicitement contenu dans les traités internationaux qui sont légalement contraignants pour les Etats qui les ont ratifiés. Toutefois, on peut soutenir que les traités internationaux ne parviennent pas à fournir une déclaration claire, précise et détaillée des obligations des États concernant ce droit d'une manière qui puisse être mise en œuvre et appliquée dans la pratique. Le commentaire 15 s’adresse au sujet du droit à l'eau directement, le reconnaissant comme étant implicitement contenue dans le Pacte International Relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels et précisant l’étendu et la qualité des obligations des États.


Par ailleurs, il existe d'autres instruments internationaux sur le droit à l'eau comme notamment les principes, recommandations, directives, normes et déclarations qui n'ont aucun effet juridique contraignant, mais qui ont un fort pouvoir de persuasion et fournissent des conseils pratiques aux États quant aux normes internationales qui sont demandées et attendues.


II-/ LES OUTILS INTERNATIONAUX NON CONTRAIGNANTS

Les Principes des Nations Unies pour les personnes âgées établissent que:

1. Les personnes âgées devraient avoir accès, en suffisance, aux vivres, à l’eau, au logement, aux vêtements et aux soins de santé grâce à leur revenu, au soutien des familles et de la communauté, et à l’auto-assistance.

Les directives volontaires à l'appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité nationale (FAO) font état que:

3.6 Dans le cadre des stratégies nationales de lutte contre la pauvreté, il convient que les États donnent également la priorité à la fourniture de services essentiels aux plus pauvres et à l’investissement dans les ressources humaines, en garantissant l’accès universel à l’éducation primaire, aux soins de santé de base, au renforcement des capacités en matière de bonnes pratiques, à une eau potable propre, à des équipements d’assainissement adéquats et à la justice...

Les références à l'obligation des Etats de fournir un accès à l'eau se trouvent aussi dans les normes ou principes concernant le traitement des prisonniers. Encore une fois, le droit d'accès à l'eau est inclus dans les instruments visant à protéger le droit des groupes spécifiques (personnes âgées, les pauvres, les prisonniers ...), mais il n'existe pas de normes proclamant le droit à l'eau pour les gens, en général.

Mis à part les références implicites et explicites au droit à l'eau dans les instruments de droit contraignants et non contraignants, il y a aussi le processus politique international de reconnaître et de promouvoir le droit à l'eau exprimé en droit international. Ce processus politique n'impose pas d'obligations juridiques sur les Etats, mais il peut conduire à des pressions politiques puissantes envers les États afin d’honorer leurs engagements. L'Assemblée générale de l'ONU a officiellement reconnu «le droit à l'eau potable et à l'assainissement comme un droit humain qui est essentiel à la pleine jouissance de la vie et de tous les droits de l'homme" le 28 Juillet 2010, encourageant la communauté internationale à «intensifier les efforts visant à fournir de l'eau et à l'assainissement, propre, accessible et abordable pour tous ». En septembre 2010, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a affirmé pour la première fois que «le droit à l'eau et à l'assainissement découle du droit à un niveau de vie suffisant, qui figure dans plusieurs traités internationaux relatifs aux droits de l'homme». 122 Etats ont voté en faveur de la résolution, et 41 se sont abstenus, y compris les Etats-Unis, Royaume-Uni et le Canada.

Cette résolution récente a été largement couverte par les médias comme une étape historique importante vers la protection du droit d'accès à l'eau. Cependant, quel impact cela aura sur le droit à l'eau?

Le droit à l'eau est-il officiellement reconnu comme un droit humain fondamental? Le droit à l'eau est mentionné dans les traités internationaux contraignants ainsi que dans les principes et les normes internationales, qui considèrent le droit à l’eau comme étant nécessaire à d'autres droits fondamentaux (à savoir le droit à l'alimentation, la santé, la vie...) et nécessaire afin de protéger les droits de certains groupes de personnes (les enfants, les femmes, les gens atteints par la pauvreté...). L’accès à l'eau est reconnu comme un droit de l'homme dans l'arène politique internationale, qui n'entraîne pas d'obligations juridiquement contraignantes. Il semble donc que, aujourd'hui, il n'y ait pas de reconnaissance internationale qui soit légalement contraignante établissant le droit à l'eau comme un droit humain fondamental et un droit individuel en soi.