3. Mise à jour des conditions du bail en faveur d'une exploitation concertée du bâtiment loué


Pour Me BOLLAND-BLANCHARD l’annexe environnementale représente également « l’occasion d’une remise à plat des charges à supporter par l’une ou l’autre des parties pour qu’elles restent des charges supportables » et d’autre part «l’occasion d’entrer dans une réflexion profonde sur l’optimisation des moyens d’ores et déjà existants avant d’aller encore vers la dépense ». Et Nicolas REGNIER d'ajouter, qu' « en effet, bien que l'annexe environnementale constitue un document supplémentaire à produire, elle a le mérite d'entamer le dialogue entre les différents acteurs sur des sujets tels que les équipements techniques ou les consommations énergétiques (électricité, gaz, eau…). Cette prise de recul au moment de la rédaction du document peut ainsi être l'occasion de repérer d'éventuelles dérives de consommations, pour ensuite embrayer sur la mise en place d'un plan d'action cohérent accompagné de mesures correctives" **.
Ces dérives de consommations sont monnaies courante. Cet auteur cite par exemple le cas d'une salle de réunion où sont installés, par le locataire, des équipements de climatisation alors que cette salle est dans le même temps chauffée par le système de chauffage général du bâtiment, géré par son propriétaire. Les communications sur l’existence et les caractéristiques des systèmes de chauffage, de ventilation, de climatisation et les consommations d’énergies, rendues obligatoire par le dispositif réglementaire applicable à l'annexe environnementale, permettent justement d'identifier de tels comportements contradictoires et d'y remédier.


L'adoption d'un bail vert ou d'une annexe environnementale peut, de plus, permettre et favoriser la mise à jour de l'ensemble des conditions du bail. Les termes de celui-ci peuvent être rediscutés à la lumière des évolutions réglementaires récentes. Une mise à jour qui peut être bienvenue au regard des nombreuses obligations issues des Lois Grenelle. De lois qui ont imposé, parmi bien d'autres, de nouvelles obligations en matière de gestion des eaux et des déchets, d'efficacité énergétique, d'émissions de GES, de qualité de l'air intérieur, d'utilisation des éclairages, domaines touchant aux bâtiments.
Pour prendre un exemple illustrant concrètement l'intérêt d'une annexe ou d'un bail vert, leur mise en place a notamment pour intérêt de permettre de réduire la production de déchets et d'en améliorer la gestion, en prenant du recul sur le fonctionnement général du bâtiment et en gardant un œil ses consommations. C'est ce que souligne Nicolas REGNIER, qui rappelle que malheureusement peu d'échanges ont lieu entre bailleurs et preneur sur ce sujet qui leur est commun. Il ajoute que c'est « bien dommage, lorsque l'on sait que les entreprises de collecte estiment à 80% le taux de déchets valorisables dans les bureaux, constitués en très grande majorité de papier, et donc potentiellement revendables en centre de tri». N. REGNIER explique d'ailleurs qu' « on estime qu'une valorisation efficace des déchets produits peut raisonnablement permettre de réduire les frais de collecte à hauteur de 10 à 30% ».
Au travers de cet exemple, on comprend qu'il est donc particulièrement important et utile de mettre en place une gestion concertée de l'exploitation de l'immeuble dans son ensemble. L'annexe verte est un formidable outil dans ce but. Elle permet par exemple de s'assurer que tous les maillons de la chaîne, des salariés aux enleveurs de poubelles en passant par les services d'entretien et intervenants extérieurs divers connaissent et respectent les consignes de vie et de travail au sein de l'immeuble, tant en ce qui concerne le tri des déchets, que l'utilisation de l'eau, des éléments de ventilation / chauffage / refroidissement ou d'éclairages. Autant de ''petits gestes'' qui, s'ils sont expliqués et pratiqués par tous, permettent aux locataires, voire aux propriétaires, de réaliser des économies substantielles sur leurs diverses factures.





4.Une meilleure conformité à la réglementation

On l'a évoqué et on le reverra en détails dans un prochain article, bon nombre de contraintes réglementaires pèsent sur les acteurs économiques dès l'instant qu'ils sont propriétaires ou occupants d'un immeuble. Ceux-ci sont en effet soumis à diverses obligations en matière de gestion de l'eau, des déchets, d'économies d'énergies, de RSE, ou encore d'émission de GES.
En ce qui concerne précisément ce dernier point, Jennifer THEVENIOT rappelle (pour plus de détails lire l'article d'Hélène TOUBHANS sur ce même cite consacré au bilan GES) que, depuis la parution du décret n°2011-829 du 11 juillet 2011, les entreprises de plus de cinq cent salariés ont l'obligation de réaliser un bilan de leurs émissions de GES accompagné d'un plan d'actions, et de le mettre à jour au moins tous les trois ans. Or les réductions des consommations d'énergie permises par les annexes ou les baux verts peuvent justement permettre de réduire ces émissions.


L'instauration d'un bail vert comme d'une annexe environnementale ont également une grande utilité au regard de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). J. THEVENIOT précise en effet que « jusque-là réservée aux seules sociétés cotées et à certaines sociétés non cotées dépassant certains seuils, depuis 2012, le périmètre de cette obligation a été étendu et son contenu complété. De plus en plus d'entreprises sont donc concernées par ces obligations de communication autour de leur engagement pour le développement durable. Dans ce cadre, il est réellement porteur de valeur ajoutée pour elles de tirer profit des pratiques mises en œuvre dans le cadre de leur bail vert pour réduire l'empreinte environnementale de leurs locaux ». Et, selon Véronique LAGARDE*****, « les bailleurs qui seront force de proposition sur ces sujets ''RSE'' vis-à-vis de leurs locataires se doteront sans aucun doute d’un fort avantage concurrentiel sur le marché».

Une position de force qui s'explique par le fait que la liste des informations à faire figurer dans le rapport développement durable de l’entreprise, fournie par le décret du 24 avril 2012, comporte de nombreux domaines communs avec les matières traitées par l'annexe et le bail vert. Comme le souligne Me LAGARDE « on s’aperçoit à la lecture de ces indicateurs que l’entreprise, en qualité de locataire, aura généralement besoin de la coopération du bailleur pour progresser. Ces indicateurs sont donc très utiles pour inventorier les sujets à négocier par le locataire avec son bailleur lors de la conclusion d’une annexe environnementale».

Et d'ajouter, à titre d'exemple, qu' «une certification d’exploitation de l’immeuble qui sera convenue avec le bailleur dans l’annexe environnementale permettra au locataire de faire état des "démarches d’évaluation ou de certification en matière d’environnement" qu’il a mis en place » ; démarches qui constituent une information sollicitée dans le cadre des obligations de reporting RSE prévues par le décret précité.

Il en est de même, précise Me LAGARDE de « la tenue de réunions de sensibilisation des collaborateurs de l’entreprise à un bon usage de l’immeuble, que certains bailleurs ou sociétés de services en efficacité énergétiques proposent déjà aux locataires, avec un guide d’utilisation, (qui) répondront aux ''actions de formation et d’information des salariés menées en matière de protection de l’environnement'' » sollicitées par ce même décret. Et d'ajouter que « des dispositions relatives au recours privilégié aux éco-matériaux par les parties répondront à l’indicateur relatif aux ''moyens consacrés à la prévention des risques environnementaux et des pollutions'' ».

L’ensemble des domaines communs de l'annexe et du décret du 24 avril 2012 sont trop nombreux pour en faire ici l'inventaire. Peuvent s'y ajouter, de plus, les critères utilisés par les indicateurs RSE internationaux (comme le GRI (Global Reporting Initiative) ou, notamment, le système EMAS (Eco Management and Audit Scheme)) pouvant, eux aussi, être insérés dans l'annexe. Ainsi, même si certains domaines d'actions ne sont pas rendus obligatoires par le cadre réglementaire de l'annexe environnementale lui-même, il s'agit tout de même d'éléments pouvant être mis en place dans une annexe comme dans un bail vert et qui permettent de répondre à bon nombre d'exigences réglementaires pesant sur les preneurs, bailleurs et propriétaires. Que d'avantages donc à l'adoption d'une annexe environnementale ou d'un bail vert !
Cependant, on verrons dans un prochain article qu'une telle démarche n'est, en pratique, pas très facilement conciliable avec la réglementation très stricte applicables aux contrats de bail en France.


sources :

*= Jennifer THÉVENIOT, '' Le bail vert, ou comment mettre en place de bonnes pratiques et réaliser jusqu'à 25% d'économies d'énergie ? '' Avis d'expert | Energies | 26 août 2013 | Actu-Environnement.com (http://www.actu-environnement.com/ae/news/jennifer-theveniot-bail-vert-19285.php4).
=** Nicolas REGNIER, '' Retour d'expérience sur l'annexe environnementale : entre obligations et réelles opportunités'', Avis d'expert-Energies, Actu-Environnement.com, 26 novembre 2012.

=*** Fabrice HAIAT (PDG de Vizelia, professeur à l'ESSEC), Les "baux verts": un bouleversement dans l'immobilier, lexpansion.com, 23 août 2010 (http://energie.lexpansion.com/habitat/les-baux-verts-un-bouleversement-dans-l-immobilier_a-39-4705.html).

=**** Juliette GARNIER, "En 2012, les enseignes signeront des baux verts", La Tribune, 18 juin 2010, (http://www.latribune.fr/green-business/l-actualite/437687/en-2012-les-enseignes-signeront-des-baux-verts.html)

= ***** Véronique LAGARDE, Cabinet Lefèvre Pelletier & Associés, ''Le bail vert, version locataire'', businessimmo.com, 06 Septembre 2012 (http://www.businessimmo.com/contents/22815/le-bail-vert-version-locataire).