La sortie du statut de déchet
Par Johanna MILLAN-FLAJOLLET
johanna.flajollet-millan@sfr.fr
Posté le: 26/02/2009 23:38
La nouvelle Directive cadre déchet 2008/98/CE du 19 novembre 2008, publiée au JOUE le 22 novembre 2008 (L312), entrée en vigueur le 12 décembre 2008 dessine les contours de la fin de vie du déchet dans son article 6. Cette reconnaissance de la sortie du statut de déchet est de nature à permettre le développement du recyclage en excluant de ce statut de déchet les « matières premières secondaires » ou « matières premières recyclées » (MPS ou MPR) obtenues après avoir subi une opération de valorisation.
Jusqu'à présent, la Directive cadre sur les déchets de 1975 donnait une définition du déchet (« toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ») mais aucune définition générale des notions de recyclage ou de MPS ou MPR n’avait été formulée. Toutefois, il en était fait mention dans différentes directives sectorielles comme par exemple celle du 20 décembre 1994 relative aux emballages et déchets d'emballages.
C'était alors aux juridictions de donner des précisions sur la notion de recyclage et d'apporter, au cas par cas, une ouverture potentielle à la sortie du statut de déchet pour les MPS, et ce compte tenu des précisions du texte spécial applicable (la directive sectorielle). Cependant, les arrêts de la CJCE n’étaient pas orientés en faveur d’une fin de vie des déchets, les conditions pour reconnaître l’acte de recyclage et la transformation complète du déchet se révélant particulièrement rigoureuses (ex. CJCE, 19 juin 2003, Mayer Parry).
La nouvelle directive ne révise pas la notion de déchet, mais elle donne une définition du recyclage dans son article 3 : « toute opération de valorisation par laquelle les déchets sont retraités en produits, matières ou substances aux fins de leur fonction initiale ou à d’autres fins. Cela inclut le retraitement des matières organiques, mais n’inclut pas la valorisation énergétique, la conversion pour l’utilisation comme combustible ou pour des opérations de remblayage ». En revanche, elle ne donne pas de définition des MPS et ne leur confère aucun statut particulier mais elle donne des précisions sur les conditions de sortie du statut de déchet. Ainsi, l’article 6 dispose que « certains déchets cessent d’être des déchets au sens de l’article 3 lorsqu’ils ont subi une opération de valorisation ou de recyclage et répondent à des critères spécifiques à définir dans le respect des conditions suivantes ».
L’article 6 pose 4 conditions :
- La substance ou l’objet est couramment utilisé à des fins spécifiques. Le déchet, pour qu’il perde cette qualification, doit (après traitement) avoir une utilité connue et particulière, c'est-à-dire être utilisé pour sa fonction initiale (avant qu’il ne soit un déchet) ou à d’autres fins différentes de la valorisation énergétique. Il s’agit dans tout les cas de disposer d’une MPS qui soit capable de remplacer une matière première primaire.
- Il existe un marché ou une demande pour une telle substance ou un tel objet. Il faut qu’il existe un marché qui intégrerait les MPS ayant une valeur économique positive (ou négative), ou qu’il y ait une demande actuelle qui pourrait ensuite devenir un marché (la matière présentant un intérêt industriel et économique stratégique).
- La substance ou l’objet remplit les exigences techniques aux fins spécifiques et respecte la législation et les normes applicables aux produits. La sortie du statut de déchet n’implique pas que la matière ne sera plus soumise à aucune réglementation. Elle ne sera plus soumise à la législation déchet, relativement contraignante, mais elle sera soumise à la législation produit voire au règlement communautaire REACH. Cette matière devra également satisfaire à des exigences contenues dans des normes, spécifications…
- L’utilisation de la substance ou de l’objet n’aura pas d’effets globaux nocifs pour l’environnement ou la santé humaine. Cette condition est en accord avec la volonté de protection de l’environnement de la directive (prendre en compte les impacts sur la santé et l’environnement). Il s’agit ici de ne pas faire sortir de la réglementation sur les déchets une substance ou un objet qui présente encore des risques (malgré une opération de valorisation) pour l’environnement ou la santé humaine de par son utilisation ou son transport. « Effets globaux nocifs » laisse supposer qu’il faut réaliser un bilan des avantages et des inconvénients du changement de statut du déchet par rapport à la protection de l’environnement.
Ce sera ensuite à la Commission, assistée d’un comité composé d’experts des Etats membres (selon la procédure de comitologie), de prendre les mesures d’adoption des critères permettant de déterminer quand un déchet cesse de l’être et ce au moins pour les granulats, le papier, le verre, le métal, les pneumatiques et les textiles. Pour cela, la Commission pourra, entre autre, se baser sur les travaux de l’IPTS (Institute for Prospective Technological Studies qui est un des sept instituts scientifiques du Joint Research Center de la Commission européenne) qui propose de dégager des critères pour certaines matières comme les métaux. De plus, en cas de carence au niveau communautaire (critères non fixés), notamment en ce qui concerne les matières autres que celles citées précédemment, « les Etats membres peuvent décider au cas par cas si certains déchets ont cessé d’être des déchets en tenant compte de la jurisprudence actuelle » et en notifiant ces décisions à la Commission.
En ce qui concerne le transfert transfrontalier de déchet dans l’UE et avec les pays OCDE régit par le règlement du 14 juin 2006, un problème de reconnaissance risque de se poser. On peut en effet se demander si la sortie du statut de déchet aura un effet et sera reconnue au delà du cas des transferts intra-communautaires. Les pays membres, de par la nouvelle Directive-cadre déchet, devraient en effet tous avoir la même perception de ce qui est un déchet et ce qui ne l’est plus. Mais le règlement est aussi applicable entre les pays membres de l’UE et d’autres membres de l’OCDE (étrangers à l’UE). L’article 28 du règlement nous donne une piste en disposant que « si les autorités compétentes d’expédition et de destination ne peuvent pas se mettre d’accord sur sa classification en tant que déchet ou non, l’objet du transfert est traité comme s’il s’agissait d’un déchet. Ceci est sans préjudice du droit du pays de destination de traiter les matières transférées conformément à sa législation nationale, après l’arrivée desdites matières, et lorsqu’une telle législation est conforme au droit communautaire ou international ».
Et en tout état de cause, pour les transferts vers des pays non OCDE, il faudrait modifier la Convention de Bâle car il n’y a que cette règlementation qui s’applique pour clarifier la situation. Une modification du règlement du 14 juin 2006 n’est pas non plus à exclure pour mettre en adéquation la Directive-cadre déchet et le règlement sur les transferts transfrontaliers en ce qui concerne l’appréhension de ce qui est un déchet et ce qui ne l’est plus.