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Le Paquet climat-énergie est-il un outil efficace d'incitation au développement de la filière biométhane ?
Par Sophie RENARD
Juriste Qualite - Securite - Environnement
GDF Suez - GRTgaz
Posté le: 10/09/2013 21:55
L’injection de biométhane dans le réseau de transport de gaz naturel est autorisée depuis le 21 novembre 2011, et son cadre continue de se développer, dans un contexte politique favorable aux énergies renouvelables. C’est l’aboutissement d’un long processus législatif qui se place dans un premier temps dans le contexte relativement théorique des énergies renouvelables.
Le droit européen joue un rôle moteur dans la construction du cadre juridique de la filière biométhane (A.) mais laisse au droit français une marge de manœuvre pour le développement de cette matière (B.).
A. Le droit européen du biométhane
Le Plan Climat appelé aussi "paquet climat-énergie" adopté le 23 janvier 2008 par la Commission Européenne a posé une première exigence réglementaire large en fixant le défi du « 3x20 ». L’objectif pour les États membres est d’atteindre d’ici l'année 2020, la part de 20% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen, avec une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre et un accroissement de l’efficacité énergétique de 20%.
L’ensemble des directives, règlements et décisions qui prévoient ces objectifs ont été prises par les institutions européennes le 23 avril 2009 et forment le « Paquet Climat-Energie ». Celui-ci comprend la directive 2009/28/CE, la directive 2009/29/CE modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, la directive 2009/30/CE modifiant la directive 98/70/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l’introduction d’un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, modifiant la directive 1999/32/CE du Conseil en ce qui concerne les spécifications relatives aux carburants utilisés par les bateaux de navigation intérieure et abrogeant la directive 93/12/CEE, la directive 2009/31/CE relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant la directive 85/337/CEE du Conseil, les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et 2008/1/CE et le règlement (CE) n°1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, la décision n 406/2009/CE relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020 et le règlement n°443/2009 établissant des normes de performance en matière d'émissions pour les voitures particulières neuves dans le cadre de l'approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers
L’article 2 de la directive 2009/29/CE définit l’énergie renouvelable sous forme de liste exclusive. Il s’agit d’une « énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir: énergie éolienne, solaire, aérothermique, géothermique, hydrothermique, marine et hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées et biogaz ».
L’article inclut le biogaz au titre des énergies renouvelables, et sa production sera comptabilisée au calcul du pourcentage d’énergie renouvelable dans le mix énergétique des pays membres de l’Union européenne.
La Directive 2009/28/CE du 23 avril 2009, dite « Directive ENR » reprend ces objectifs et développe les obligations des Etats membres en matière d’énergies renouvelables. Elle prévoit dans le secteur des transports le recours à 10% d’énergie renouvelable dans la consommation de carburants en précisant que les carburants issus de déchets et résidus comptent double dans cet objectif. A ce titre le biométhane utilisé comme carburant est particulièrement avantageux puisqu’il est justement produit à partir de déchets.
La Directive ENR précise que les coûts de raccordement doivent être objectifs, transparents et non discriminatoires. Le biométhane doit être intégré par des extensions de réseaux existant le cas échéant, et les Transporteurs, en tant que gestionnaires de réseaux, doivent publier des règles techniques comportant des prescriptions en matière de qualité, d’odorisation et de pression du gaz ainsi que la publication des tarifs de connexion.
Par ailleurs, la directive gaz 2009/73/CE du 13 juillet 2009 qui décrit les règles communes du marché du gaz et qui abroge l’ancienne directive gaz 2003/55/CE invite les États membres à adopter des mesures pratiques d’accompagnement d’une utilisation accrue du biogaz. Ils doivent également garantir au biogaz l’accès aux réseaux sous condition de compatibilité en permanence avec des règles techniques et des normes de sécurité. Ils doivent pour finir s’assurer que la CRE promeuve l’intégration de la production de gaz à partir de sources d’énergies renouvelables, tant dans les réseaux de transport que dans ceux de distribution.
Par ailleurs, le développement du biométhane permet de répondre à des objectifs posés par la directive 1999/31 dite « directive décharge » qui vise à réduire de manière conséquente les déchets et la directive 2008/98 où on favorise le recyclage et la valorisation des déchets.
Nombreux et denses, les textes issus du Paquet Climat-énergie pose des fondations à la filière biométhane qui ont le mérite d'exister. Mais cette avalanche de textes et les objectifs qui en découlent ne noient-ils pas les Etats membres ?
Bien que l'objectif du 3x20 marque les esprits, on sait à l'heure actuelle qu'il y a peu de chance qu'il soit atteinte.
C'est tout de même dans le cadre plus large de l’organisation de la transition énergétique quel’Union Européenne pose les fondements du droit du biométhane.
B. Le droit français du biométhane
Le droit national des énergies renouvelables est hétérogène et est issu de différentes lois, pour la plupart aujourd’hui codifiées dans le Code de l’énergie.
La synthèse des travaux du débat national sur la transition énergétique de la France a été publiée le 18 juillet 2013. L’enjeu 9 intitulé « valoriser les forces et les valeurs du système français » préconise de « s’appuyer sur le patrimoine que constituent (…) le réseau de gaz, et le patrimoine des collectivités et des ressources réparties, en s’assurant de son évolution conformément aux objectifs de la transition énergétique ».
Pour respecter ce principe le texte propose comme action d’accorder un rôle nouveau au réseau de gaz, « notamment pour soutenir le système électrique comme élément de stockage par la production de gaz de synthèse (hydrogène, méthanation) et pour les transports, et en privilégiant un recours croissant au gaz d’origine renouvelable ».
Concernant l’injection de biométhane, la législation française prise en application des directives européennes regroupe un corpus de textes bâtissant un cadre législatif assez complet.
L’injection du biométhane dans le réseau est autorisée en France, depuis la diffusion de l’avis de l’ANSES en octobre 2008, à l’entrée en vigueur de la loi Grenelle II en avril 2010, et à la parution des décrets et des arrêtés du 22 et 24 novembre 2011.
La loi Grenelle 1 du 23 juillet 2009 précise dans son article 19 que « les sources d’énergie renouvelable sont (…) l'énergie issue de la biomasse, du gaz de décharge, du gaz de stations d'épuration d'eaux usées et du biogaz. » Le biogaz, longtemps considéré comme un simple produit issu du traitement des déchets, a donc changé de statut. Il devient aujourd’hui une énergie renouvelable à part entière.
Un an plus tard, la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 prévoit, dans son article 92, l’instauration d’un tarif d’achat du biométhane dû aux producteurs par les fournisseurs de gaz naturel, la compensation des charges inhérentes à ce tarif par une contribution due par les fournisseurs de gaz naturel au prorata de leurs ventes, la désignation d’un acheteur de dernier recours, ainsi que l’instauration d’un mécanisme de garanties d’origine.
Sur la base de ces lois, quatre décrets et quatre arrêtés encadrent plus précisément l’injection de biométhane dans les réseaux. Cette législation récente repose sur quelques grands principes, qui se déclinent ensuite, formant un droit bien plus pragmatique.