1.La genèse de l'Australian green lease :


Le bail vert est né en Australie. Ce qui n'est pas un hasard, puisque cet état est un véritable précurseur en matière de construction durable. Leur bail vert, ou green lease, a, au départ, été développé par le gouvernement australien, pour ses propres locaux, puis s'est quasiment étendu à l'ensemble du secteur immobilier, notamment sous l'impulsion de diverses sociétés de gestion foncière.

A l'origine, conscient de son influence et voulant fortement peser en faveur du développement de l'immobilier durable, le gouvernement fédéral australien a pris la décision d'installer ses équipes uniquement dans des structures ayant obtenu la note de 4.5 au classement NABERS (pour National Australian Built Environment Rating System c’est-à-dire selon le système australien de notation environnementale des bâtiments qui étudie leurs performances en matière l'énergie, d'eau, de déchets et d'environnement intérieur).

Il faut savoir que dès les années 2000, l'Australie a pris pleinement conscience des intérêts d'une gestion durable des bâtiments (tant en ce qui concerne la réduction des impacts sur l'environnement et des coûts de consommation d'énergie, d'eau, de traitement des déchets, que le confort et donc la productivité des employés). Aussi, plusieurs programmes d'évaluation de la performance environnementale et de certification des bâtiments ont été créés dès cette période.

Il est également important de comprendre que l'action du gouvernement australien n'a pas emprunté la voie réglementaire. Elle repose au contraire sur les directives données par le gouvernement à ses agences -et uniquement à celles-ci-, via son programme EEGO , d'améliorer l'efficacité énergétique et de réduire les impacts de leurs activités sur l'environnement (notamment en signant des baux verts). Déjà, en 2003, l'Australian Building Codes imposait aux bâtiments gouvernementaux des mesures en faveur de l'efficacité énergétique. Par ailleurs, certaines provinces australiennes, à l'image du gouvernement de Victoria et de celui d'Australie du Sud, se sont elles-mêmes dotées de politiques spécifiques concernant leurs services, en faveur des mêmes objectifs.

D'autre part, l'action du gouvernement a été complétée par diverses démarches, purement incitatives cette fois, d'acteurs privés. En effet, le tout premier bail vert formalisé en un document a été rédigé par l'Australian Conservation Fondation dès 2004. Puis, en 2006, le groupe Investa, spécialisé dans la gestion foncière de bâtiments tertiaires, a publié en 2007 un guide pour la mise en place d'un bail vert dans leur secteur (Green Lease guide for commercial office tenant). Depuis, en plus ces directives, l'action du gouvernement repose également sur une communication poussée de ses services concernant les modalités de sélection des locaux qu'ils louent. Précisément, le gouvernement australien a très fortement communiqué sur les critères de choix de ces locaux et ses exigences en termes de haute performance environnementale. Cette communication en faveur de l'immobilier vert passe notamment par l'exemple de l'immeuble 60L . Celui-ci est un projet pilote de ''location verte'' dont caractéristiques techniques sont mises en avant et détaillées sur un site internet dédié, devenu une référence en matière de green lease et de moyens techniques à mettre en œuvre pour parvenir à un résultat satisfaisant. Depuis, d'autres immeubles occupés par le gouvernement font l'objet d'une même exposition. Devant la fréquentation très importante de ces sites, véritable mines d'informations pour les acteurs de l'immobilier soucieux de verdir leur patrimoine, le gouvernement a décidé d'aller un peu plus loin, en publiant des exemples de baux verts types. Huit versions (A1 à D2 (http://ee.ret.gov.au/energy-efficiency/non-residential-buildings/government-buildings/energy-efficiency-government-operations/forms-and-templates-energy-efficiency-government-operations-eego)) de ce document ont été écrites, afin d'englober les principaux types de baux pouvant être signés (un seul ou plusieurs occupants, occupant à titre principal ou à titre subsidiaire, répartition des charges, démarche volontaire ou non des occupants).

Le bail vert australien n'est à ce jour directement régit par aucun texte réglementaire, il s'inscrit dans le registre de l'exemple, comme un élément non obligatoire issu de la soft law. Son contenu est donc, nous allons le voir, relativement libre, même si un ensemble de thématiques sont communes à l'ensemble des green leases australiens.


2. le Contenu du bail vert australien :

En Australie, un bail vert n'est pas véritablement un bail spécifique, différent : il s'agit d'un bail ''classique'' auquel on a ajouté des clauses vertes ; c'est l'idée d'un bail que l'on verdit. Le gouvernement australien a développé le ''Green Lease Schedule'' (GLS : http://ee.ret.gov.au/energy-efficiency/non-residential-buildings/government-buildings/energy-efficiency-government-operations/green-lease-schedules-gls-government-buildings ) ou programme pour le bail vert, qui a permis de définir ce qu'est un bail vert et de poser les bases de son fonctionnement, de son contenu et de définir sa valeur juridique.

Ce "programme bail vert" consiste en une série de clauses ajoutées à un contrat de bail ''classique'' portant sur une construction «normale». Son but est de prévoir les obligations contractuelles mutuelles des locataires et des propriétaires dans une optique d'amélioration de l'efficacité énergétique de leurs locaux. Il peut également éventuellement comporter d'autres obligations environnementales si un accord spécifique existe à leur sujet. Toutes ces clauses ont pour but de garantir que les consommations énergétiques et les questions environnementales concernant le bâtiment soient régulièrement étudiées et convenues en commun mais aussi surveillées afin que les problèmes rencontrés soient réglés rapidement, et si possible aussitôt qu'ils surviennent.

L'instauration de ce GLS a été rendue possible grâce à une réduction massive des coûts des compteurs énergétiques et une démocratisation des systèmes de comptage numérique qui permettent notamment d'identifier, à chaque minute, les diverses consommation d'énergie. Les locataires peuvent donc, grâce à ces outils, rendre comptables et responsables les propriétaires de la performance énergétique de leurs bâtiments ; et, inversement, les propriétaires d'immeubles, à l'aide de cette même technologie peuvent aussi demander des comptes à leurs locataires sur leurs consommations d'énergie. Le bail vert australien comporte donc de véritables obligations d'information réciproques.

Si les éléments composant le bail vert australien sont issus de la pratique, c’est-à-dire des référentiels et programmes mis en œuvre par le gouvernement et, ensuite, des accords entre bailleurs et preneurs, son contenu est également fortement influencé par des législations connexes telles que celles sur les émissions de GES en encore par les règles en matière de politique nationale de l'énergie. Il n'est donc pas rare de trouver des baux verts comportant des clauses spécifiquement relatives à ces domaines.

Concrètement, les objectifs communs à l'ensemble des baux verts australiens et qui en définissent le contenu sont les suivants :
• Imposer l'engagement du propriétaire dans le maintenir les éléments essentiels du bâtiment au niveau de la norme Australian Greenhouse Building Rating*.
• Imposer un engagement des deux parties sur l'établissement, le suivi et le respect d'un plan de gestion de l'énergie en vue de faire fonctionner le bâtiment en conformité avec la politique de l'énergie décidée par le gouvernement.
• Instaurer l'obligation, pour les deux parties, d'envisager «d'une manière raisonnable et coopérative» si une meilleure note (selon le système ABGR) peut être atteinte pendant la durée du bail et, si elles s'entendent sur ce point, les inviter à prendre toutes les mesures qui sont possibles voire nécessaires pour atteindre cette note.

Pour permettre d'atteindre ces objectifs, les green leases australiens comportent tous plusieurs éléments essentiels :
- un accord sur les systèmes de notation retenus pour mesurer l'efficacité énergétique et les émissions de GES du bâtiment (c'est, le plus souvent, le système ABGR précité),
- des indications sur les modalités et outils de mesures numériques,
- un Plan de gestion de l'énergie et un Comité de gestion du bâtiment,
- des accords de principe en faveur de la résolution des différends pouvant survenir dans l'exécution du contrat de bail.


Il faut noter qu'en Australie, une importance particulière est conférée à la qualité générale de l'environnement intérieur, ce qui n'est pas le cas dans tous les Etats ayant mis en place des baux verts, ainsi que nous le verrons plus loin. A contrario, certains points essentiels au bon fonctionnement d'un bail vert sont communs à tous les baux verts quel que soit leur pays ''d'origine"; c'est notamment le cas des Comités ''verts'' ou Comités de gestion du bâtiment.

* : L'ABGR est destinée aux développeurs, propriétaires et locataires de bâtiments commerciaux et de bureaux. Elle permet d'évaluer la performance de la consommation d'énergie d'un bâtiment sur une échelle de un à cinq étoiles, cinq étoiles représentant la performance environnementale exceptionnelle (trois étoiles est la moyenne du marché). Il est administré au niveau national par le département de NSW de l'Environnement et Changement Climatique, et s'applique aussi bien aux bâtiments neufs et existants.


3. généralisation du bail vert dans plusieurs Etats anglo-saxons :

Aujourd'hui, nombreux sont les baux australiens verts, ce qui montre que les acteurs de l'immobilier de cet Etat ont bien compris les avantages d'un tel dispositif. Beaucoup reconnaissent que des tels baux leurs permettent d'améliorer leur image et leur réputation, d'augmenter la rentabilité de leurs biens, d'améliorer le bien-être et donc la productivité des employés et en conséquence de prévenir beaucoup de poursuites judiciaires provenant de ces derniers et concernant leur environnement et conditions de travail. Cette perception positive du bail vert est d'ailleurs partagée par plusieurs acteurs internationaux et européens qui ont, eux aussi, choisi de recourir à des procédés similaires.

En Afrique du Sud, où un mécanisme similaire est développé, le Green Building Council d'Afrique du Sud (GBCSA) et l'Association des Propriétaires d'Afrique du Sud (SAPOA) ont publié une "boîte à outils'' où est précisé que : "les bâtiments écologiques sont un exemple classique de la théorie des jeux économiques. Chaque partie a tout à gagner si les autres jouent le jeu, mais perd tout si l'un joue et l'autre pas''. Le défi consiste en effet à atteindre un équilibre optimal, "gagnant-gagnant". Pour ces deux organismes, cette implication mutuelle est l'essence de tout bail vert. Ils considèrent que le but principal du bail est d'améliorer la performance opérationnelle des bâtiments verts et de fournir aux propriétaires et aux locataires une part équitable de la valeur ajoutée créée par ces bâtiments verts.

Cette promesse de rentabilité est également un des facteurs expliquant le succès du bail vert en Australie. Mais il faut aussi noter que la mise en place de baux verts est également fortement influencée et même favorisée par l'existence ou le renforcement de réglementation dans des domaines connexes. C'est par exemple le cas d'une récente législation australienne relative à l'information obligatoire sur les performances énergétique d'un bâtiment. C'est aussi, et notamment, le cas de la législation du Royaume-Uni sur les émissions de carbone qui a joué un rôle positif dans l'élaboration de baux verts anglais (ainsi que nous le verrons plus loin). Là-bas, l'industrie de l'immobilier commercial cherche véritablement à anticiper la pression législative en matière d'immobilier vert. Il faut savoir qu'outre-manche, de plus en plus de règles imposent aux promoteurs et responsables immobiliers de construire bâtiments très économes en énergie. Ce mécanisme, pour être efficace, est appelé par le gouvernement à être couplé à celui des baux verts.

Nombreux sont aussi les Etats membres de l'Union européenne, à l'image de la Grande Bretagne précitée, à avoir mis en place un bail vert ou à étudier sérieusement la question.