Les usines à neige abritent des organes de contrôle, des pompes à eau, des compresseurs d’air et parfois des tours de refroidissement. Ces installations relèvent de la législation des installations classées (I). Cette procédure vaut en principe procédure au titre de la loi sur l’eau, mais ce n’est pas le cas en pratique où deux procédures distinctes sont conduites (II).



I. La réglementation des installations classées applicable aux compresseurs d’air des usines à neige

Le régime applicable aux installations présentes dans les usines à neige (B) dépend de leur classement dans la nomenclature (A).


A. La nomenclature des installations classées applicable aux usines à neige

Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sont des installations, exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients, soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique, définis à l’article L. 551-1 du Code de l’environnement.

Ces installations sont soumises à un régime juridique particulier qui résulte principalement de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 et de son décret d’application n° 77-1133 du 21 septembre 1977, codifiés aux articles L. 511-1 et suivants et R. 512-1 et suivants du Code de l’environnement.

En vertu de l’article R. 511-9 du Code de l’environnement, les activités relevant de la législation des installations classées sont énumérées dans une nomenclature qui les soumet à différents régimes en fonction de l’importance des risques ou des inconvénients qu’elles peuvent engendrer. Les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients sont soumises à autorisation préfectorale. Celles dont les dangers et inconvénients peuvent être prévenus par le respect de prescriptions générales sont soumises au régime de l’enregistrement (Ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009 relative à l'enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l'environnement), qui est une procédure d’autorisation simplifiée. Celles qui ne présentent pas de graves dangers ou inconvénients sont soumises au régime de la déclaration. Elles doivent néanmoins respecter des prescriptions générales de sécurité et sont parfois soumises à un contrôle périodique (Le contrôle périodique a pour objectif de vérifier, à intervalles réguliers, la conformité des installations aux prescriptions de sécurité réglementaire).

Les usines à neige relèvent plus précisément de la rubrique 2920 de la nomenclature relative aux installations de compression fonctionnant à des pressions effectives supérieures à 105 Pa, et comprimant ou utilisant des fluides inflammables ou toxiques, la puissance absorbée étant supérieure à 10 MW. Ces installations sont soumises au régime de l’autorisation.


B. Le régime de l’autorisation applicable aux usines à neige

Les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 sont soumises à autorisation préfectorale. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. La procédure d’autorisation préfectorale au titre de la législation des installations classées reprend sensiblement les étapes de la procédure d’autorisation au titre de la loi sur l’eau.

Sans revenir en détails sur les étapes respectives de la procédure, rappelons qu’elle requière une demande d’autorisation qui sera ensuite instruite par la Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL). Dans le cadre de sa demande d’autorisation, le pétitionnaire doit établir un dossier de demande d’autorisation préfectorale, accompagné d’une étude d’impact et d’une étude de dangers. S’agissant de l’instruction du dossier, elle comporte une analyse de la régularité du dossier, une enquête administrative, une enquête publique et la consultation du Conseil départemental de l’environnement, des risques sanitaires et technologiques (CODERST).
A réception de ces différents avis, le préfet adresse au demandeur un projet d’arrêté statuant sur la demande d’autorisation. Le pétitionnaire dispose alors d’un délai de quinze jours pour présenter par écrit ses observations.

L'autorisation, prévue à l'article L. 512-1 du Code de l’environnement, est accordée par le préfet. Il statue dans un délai maximal de trois mois à compter de la réception du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur.

L’arrêté préfectoral d’autorisation est assorti de prescriptions de fonctionnement destinées à prévenir et réduire tout risque d’accident et de pollution, afin d’assurer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement. Les conditions d’installation et d’exploitation jugées indispensables pour la protection de ces intérêts, les moyens de suivi, de surveillance, d'analyse et de mesure et les moyens d'intervention en cas de sinistre sont fixés par l’arrêté d’autorisation et, éventuellement, par des arrêtés complémentaires pris postérieurement à cette autorisation.

L’arrêté préfectoral est notifié au demandeur, lequel pourra alors seulement mettre en service l’installation. Le préfet informe le maire de la commune d'implantation de l'installation. En cas de transfert, d'extension ou de transformation de ses installations, entraînant des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article L. 511-1, l’exploitant doit renouveler son autorisation.

En pratique, lorsqu’un exploitant de domaine skiable envisage de créer une nouvelle installation de neige de culture, il doit donc engager deux procédures distinctes. D’une part, la procédure relative aux prélèvements en eau au titre de la loi sur l’eau ; d’autre part, celle relative au fonctionnement des usines à neige avec les compresseurs d’air au titre de la législation des installations classées.


En principe, pourtant, la création des unités de production de neige de culture ne devraient être soumises qu’à une seule et unique procédure. Voyons comment les services instructeurs coordonnent ces deux procédures (II).



II. La dualité des procédures « eau » et ICPE pour l’aménagement des installations d’enneigement

Lorsqu’une installation constitue un double classement au régime des ICPE et des IOTA, la procédure ICPE vaut procédure pour la loi sur l’eau (A). Pourtant, en pratique, il semble que deux procédures soient menées par les services instructeurs (B).


A. Le principe de prévalence de la procédure ICPE

Les ICPE sont soumises à la loi sur l’eau en application de l’article L. 214-7 du Code de l’environnement qui dispose que : « Les installations classées pour la protection de l'environnement définies à l'article L. 511-1 sont soumises aux dispositions des articles L. 211-1, L. 212-1 à L. 212-11, L. 214-8, L. 216-6 et L. 216-13, ainsi qu'aux mesures prises en application des décrets prévus au 1° du II de l'article L. 211-3. Les mesures individuelles et réglementaires prises en application du titre Ier du livre V fixent les règles applicables aux installations classées ayant un impact sur le milieu aquatique, notamment en ce qui concerne leurs rejets et prélèvements. »

Depuis la loi Barnier n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, les mesures individuelles et règlementaires nécessaires à la gestion équilibrée de la ressource au titre de la loi sur l’eau sont prescrites pour les ICPE dans le cadre de la seule législation relative aux ICPE : la procédure ICPE vaut procédure pour la loi sur l’eau. Le législateur a dispensé les installations classées, dont certaines des activités peuvent aussi constituer des IOTA au regard de la nomenclature « eau », d’effectuer une double démarche d’autorisation ou de déclaration au titre des deux législations « eau » et ICPE (article L. 214-1, C. envir.). La réglementation existante permet donc en principe une seule procédure globale au titre des ICPE.

Toutefois, en pratique, elle n’est pas appliquée car les procédures relatives aux projets d’enneigement sont conduites parallèlement par des services différents.


B. L’application en parallèle des procédures « eau » et ICPE pour l’aménagement des installations d’enneigement

En pratique, l’unique procédure requise en principe au titre de la législation ICPE ne s’applique pas (1), deux procédures distinctes étant accomplies en parallèle. Pourtant, une procédure unique au titre de la loi sur l’eau simplifierait l’instruction des dossiers (2).


1. La procédure unique ICPE inexistante en pratique

Deux dossiers indépendants pour les installations d’enneigement sont instruits en pratique, en liaison par les services concernés, aboutissant à deux autorisations ou déclarations distinctes. Les services de police de l’eau veillent, avec l’accord du ministère chargé de l’Environnement et de la direction de l’eau et de la biodiversité (DEB), à instruire eux-mêmes le volet alimentation en eau des enneigeurs. Cette double instruction résulterait d’une circulaire de la direction de l’eau, informe le Conseil général de l’Environnement et du développement durable (CGEDD), car « en pratique, la réglementation des installations classées ne permet pas de bien prendre en compte les objectifs de gestion équilibrée et durable de la ressource et des milieux aquatiques, ni même la sécurité des ouvrages hydrauliques. »

La liste exhaustive établie à l’article L. 214-7 du Code de l’environnement confirme ce constat. Les autres articles de polices de l’eau non énumérés dans cet article ne s’appliquent pas aux ICPE qui échappent alors aux règles générales de préservation de la qualité et de répartition des eaux (article L. 211-2, C. envir.) ; aux prescriptions complémentaires nationales ou particulières à certaines parties du territoire (article L. 211-3 I et II, C. envir.), à l’exception des mesures de limitation ou restriction provisoire des usages de l’eau pour faire face à des situations de crise en application de l’article L. 211-3, alinéa II, 1° ; aux règles destinées à assurer la sécurité des ouvrages hydrauliques (article L. 211-3 alinéa III, C. envir.) ; au dispositif d’autorisation et de déclaration créé pour l’obtention des objectifs de la loi sur l’eau et le respect des règles correspondant (articles L. 214-2 à L. 214-6, C. envir.).

Rappelons également qu’en vertu du principe de l’indépendance des législations, les procédures « loi sur l'eau » et ICPE ne remplacent pas les obligations de déclaration ou de permis demandées au titre du Code de l'urbanisme. Les projets d’usines à neige et de retenues d’altitude sont donc également soumis au droit de l'urbanisme et doivent faire l'objet d'une déclaration préalable de travaux ou d'un permis d'aménagement selon les dimensions de l'ouvrage et en application des articles R. 421-19 à R. 421-23 du Code de l'urbanisme. Les projets d’installations d’enneigement doivent également être compatibles avec les documents d’urbanisme (SCOT, PLU, cartes communales).


2. La recommandation d’une procédure unique au titre de la loi sur l’eau

D’après les services instructeurs, une procédure unique au titre de la loi sur l’eau serait plus efficace. En pratique, aucune coordination entre les services de police de l’eau et les services des installations classées ne semble efficiente. Le CGEDD confirme cette hypothèse dans un rapport de 2009. Il estime que la double instruction parallèle n’est pas satisfaisante car elle fait peser un risque d’incohérence et ne prend pas correctement en compte la législation sur l’eau. Même si une telle situation ne se retrouve pas en pratique, le cas d’école suivant est en théorie possible en l’existence de cette double instruction : l’usine à neige d’un exploitant pourrait être prête à fonctionner grâce à l’obtention d’une autorisation « installations classées », alors que l’exploitant pourrait se voir refuser l’autorisation de faire les travaux permettant son alimentation en eau au motif, par exemple, que la ressource en eau est insuffisante ou que la retenue prévue ne permet pas d’assurer la sécurité publique.

Le Conseil général a invité la DEB et la direction générale de la prévention des risques (DGPR) à modifier les réglementations « eau » et « ICPE », afin que la législation des installations classées prenne mieux en compte les règles de la législation « eau », à savoir celles relatives aux prélèvements, aux rejets et à la sécurité des ouvrages hydrauliques ; que les dispositions relatives à l’autorisation ou à la déclaration unique soient symétriques ; et que l’instruction soit confiée au service de police des installations classées ou de l’eau, le plus concernés, l’autre venant en appui.

Il relève que l’instruction au titre des installations classées des dossiers de compresseurs d’air est relativement simple et peut être traitée rapidement, permettant au maître d’ouvrage d’engager la construction de son usine à neige dès lors qu’il dispose du permis de construire. A contrario, l’instruction du volet eau, notamment du prélèvement dans le milieu naturel qui comporte entre autres l’examen des impacts sur la ressource, les milieux aquatiques et l’alimentation en eau potable, l’examen de l’aspect sécurité publique de la retenue, et celui du contexte du milieu montagnard, demande un investissement d’autant plus important que les enjeux sont forts.

Dans le cas des dossiers d’enneigement artificiel, le volet « eau » étant le plus complexe et le plus lourd en terme d’impacts, l’instruction unique devrait être confiée au service de police de l’eau, y compris en ce qui concerne les compresseurs d’air.

Il semble qu’à l’heure de nos écritures, ces recommandations n’ont pas été entendues. Néanmoins, les services de police de l’eau tentent de faire pression vers une coordination ou une unification des procédures. La Direction Départementale des Territoires (DDT) de Savoie a par exemple émis l’idée d’intégrer les projets des installations de neige de culture dans les procédures d’unités touristiques nouvelles (Voir l’article sur l’aménagement des territoires de montagne, une conciliation entre protection du milieu naturel et unités touristiques nouvelles). Mais à l’heure actuelle, rien n’est fait. Il faudrait une intervention du ministère pour que les DDT soient entendus auprès des DREAL.

Dans son rapport de 2010 « L’eau et son droit », le Conseil d’Etat admet que « le dispositif des IOTA pêche par son inertie et manque d’efficacité », confirmant la nécessité d’aménagements législatifs afin de coordonner les procédures « eau » et ICPE. La réforme de cette police administrative dans un but de simplification et d’unification des polices environnementales est un grand enjeu du droit français de l’eau, précise la Haute juridiction.

Nous plaiderons également en ce sens afin que la procédure de création des installations de neige de culture se simplifie et soit davantage coordonnée entre les différents services.