Dans les stations de montagne, les prélèvements pour la distribution d’eau potable s’effectuent dans les mêmes retenues d’altitude que les prélèvements en eau effectués pour la production de neige de culture. Cela peut entraîner des conflits d’usage de la ressource, notamment l’hiver lorsque les besoins en eau potable sont accrus avec la fréquentation touristique dans les stations.

Reste que la distribution en eau potable, d’intérêt général, doit primer sur l’usage de la ressource en eau pour la production de la neige de culture. Cette priorité d’usage se justifie par le caractère vital de l’eau pour l’homme.

Il convient de distinguer l’approche théorique de l’alimentation en eau potable (I), de son approche pratique (II).


I. L’approche théorique de l’alimentation en eau potable

L’alimentation en eau potable se définit comme l’ensemble des équipements, des services et des actions qui permettent, en partant d'une eau brute, de produire une eau conforme aux normes de potabilité en vigueur, distribuée ensuite aux consommateurs. Elle est permise par cinq étapes distinctes que sont les prélèvements, les captages, le traitement pour potabiliser l'eau, l’adduction (transport et stockage), et la distribution au consommateur.

La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) proclame un droit d’accès à l’eau potable, dit « droit à l’eau ». L’article L. 210-1 du Code de l’environnement dispose que : « L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. » Cet article est le fondement juridique de la priorité d’usage accordée à l’alimentation en eau potable.

Outre l’alimentation, c’est-à-dire la distribution, le terme de potabilité implique également la qualité de l’eau distribuée. Cette exigence de qualité est posée par l’article L. 1321-1 du Code de la santé publique qui dispose que « toute personne qui offre au public de l'eau en vue de l'alimentation humaine, à titre onéreux ou à titre gratuit et sous quelque forme que ce soit, y compris la glace alimentaire, est tenue de s'assurer que cette eau est propre à la consommation. » Une exigence également prise en compte dans le Code de l’environnement à l’article L. 211-1, alinéa II, qui dispose que « la gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. »

La compétence pour la distribution de l’eau a été attribuée aux collectivités territoriales dans le cadre de leurs services publics. Les communes sont compétentes en matière de production et de distribution de l’eau potable comme en matière d’assainissement des eaux usées. Elles peuvent néanmoins recourir à un contrat de délégation de service public.

Les exigences concernant les services publics d’eau et d’assainissement sont devenues plus strictes, sous l’influence du droit communautaire.
Quatre directives jouent un rôle majeur :
- la directive 98/83/CE du Conseil du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ;
- la directive 91/271/CE du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires ;
- la directive-cadre sur l’eau du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau ;
- la directive 2006/118/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration.
Ces textes communautaires impliquent une amélioration de la qualité de l’eau, la poursuite de l’effort en matière d’assainissement et le renouvellement des installations les plus anciennes.

Ainsi, en droit interne, la place du service public a fait l’objet d’élargissements et de réajustements à travers les missions incombant aux communes et à leurs groupements avec la LEMA. Celle-ci apporte des outils nouveaux aux maires pour gérer les services publics de l’eau et de l’assainissement avec une transparence accrue. Elle donne pour la première fois une définition du service public de l’eau potable : « tout service assurant tout ou partie de la production par captage ou pompage, de la protection du point de prélèvement, du traitement, du transport, du stockage et de la distribution d’eau destinée à la consommation humaine est un service d’eau potable » (article L. 2224-7 du Code général des collectivités territoriales).

Mais, seule la distribution constitue une compétence obligatoire pour les communes, lesquelles doivent arrêter un schéma de distribution d’eau potable avant le 1er janvier 2014 en application de l’article 161 de la loi Grenelle II (article L. 2224-7-1, CGCT). Ce schéma détermine les zones desservies par le réseau de distribution et un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d’eau potable. Le comité de bassin procède dans chaque bassin ou groupement de bassins à l’établissement et à la mise à jour régulière d’un ou plusieurs registres répertoriant les zones de captage, actuelles ou futures, destinées à l’alimentation en eau potable (article L. 212-1, alinéa II 2°, du Code de l’environnement).


Après cette approche théorique de la notion, voyons son approche pratique (II).


II. L’approche pratique de l’alimentation en eau potable

En France, l’eau potable correspond à 34.000 captages d’eau, à raison de 18,5 millions de m3 d’eau prélevés par jour, selon le ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie. La protection de la ressource du point de vue qualitatif comme quantitatif constitue donc un enjeu majeur en vue d’assurer une production pérenne d’eau potable.

Avant la LEMA, afin de protéger la ressource, la loi sur l’eau de 1992 a rendu obligatoire des périmètres de protection de captage pour tous les ouvrages de prélèvement d’eau d’alimentation. Définis dans le Code de la santé publique à l’article L. 1321-2, ces périmètres de protection de captage sont établis autour des sites de captages d’eau destinée à la consommation humaine, en vue d’assurer la préservation de la ressource, l’objectif étant de réduire les risques de pollutions ponctuelles et accidentelles de la ressource sur ces points précis.

Cette protection mise en œuvre par les agences régionales de santé (ARS) comporte trois niveaux établis à partir d’études réalisées par des hydrogéologues agréés en matière d’hygiène publique :
- Le périmètre de protection immédiate : site de captage clôturé (sauf dérogation) appartenant à une collectivité publique, dans la majorité des cas. Toutes les activités y sont interdites hormis celles relatives à l’exploitation et à l’entretien de l’ouvrage de prélèvement de l’eau et au périmètre lui-même. Son objectif est d’empêcher la détérioration des ouvrages et d’éviter le déversement de substances polluantes à proximité immédiate du captage.
- Le périmètre de protection rapprochée : secteur plus vaste (quelques hectares) pour lequel toute activité susceptible de provoquer une pollution y est interdite ou est soumise à prescription particulière (construction, dépôts, rejets…). Son objectif est de prévenir la migration des polluants vers l’ouvrage de captage.
- Le périmètre de protection éloignée : facultatif. Ce périmètre est créé si certaines activités sont susceptibles d’être à l’origine de pollutions importantes. Ce secteur correspond généralement à la zone d’alimentation du point de captage, voire à l’ensemble du bassin versant.

L’arrêté préfectoral d’autorisation de prélèvement et d’institution des périmètres de protection fixe les servitudes de protection opposables au tiers par déclaration d’utilité publique (DUP) et les prescriptions applicables. L’engagement n°101 du Grenelle de l’environnement prévoyait d’achever la mise en place des périmètres de protection de tous les points d’alimentation en eau potable et de protéger l’aire d’alimentation des 500 captages les plus menacés d’ici 2012.

En outre, les collectivités territoriales sont habilitées en matière de travaux d’intérêt général ou d’urgence, d’aménagement et d’entretien des cours d’eau ainsi que de protection de l’environnement afin d’intervenir sur des terrains, des cours d’eau ou des eaux sur lesquelles elles ne disposent ni de droit de propriété, ni de droit d’usage. Selon l’article L. 211-3, alinéa II 2°, du Code de l’environnement, l’autorité administrative peut édicter, dans le respect de l'équilibre général des droits et obligations résultant de concessions de service public accordées par l'Etat, des prescriptions spéciales applicables aux installations, travaux et activités qui font usage de l'eau ou qui en modifient le niveau ou le mode d'écoulement et les conditions dans lesquelles peuvent être interdits ou réglementés tous forages, prises d'eau, barrages, travaux ou ouvrages de rejet, notamment dans les zones de sauvegarde de la ressource, déclarées d'utilité publique pour l'approvisionnement actuel ou futur en eau potable.
L’alinéa II 5° permet également à l’autorité administrative de délimiter, afin d'y établir un programme d'actions, des zones où il est nécessaire d'assurer la protection quantitative et qualitative des aires d'alimentation des captages d'eau potable d'une importance particulière pour l'approvisionnement actuel ou futur, le cas échéant après qu'elles ont été identifiées dans le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques (PAGD) prévu au I de l'article L. 212-5-1 du Code de l’environnement.
En outre, selon l’article L. 211-5, en cas de carence, et s'il y a un risque de pollution ou de destruction du milieu naturel, ou encore pour la santé publique et l'alimentation en eau potable, le préfet peut prendre ou faire exécuter les mesures nécessaires aux frais et risques des personnes responsables. Dès lors, elles peuvent limiter les installations de neige de culture dès lors qu’elles le jugeraient nécessaire pour préserver la ressource en eau et faire primer son utilisation pour la distribution d’eau potable.

Par ailleurs, l’article L. 211-7 du Code de l’environnement habilite les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que les syndicats mixtes (articles L. 151-36 à L. 151-40 du Code rural et de la pêche maritime), notamment s’agissant de la lutte contre l’érosion et les avalanches, pour entreprendre l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence, dans le cadre du schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, et visant notamment l'approvisionnement en eau. De même, en cas de sécheresse grave mettant en péril l'alimentation en eau potable des populations, constatée par le ministre chargé de la police des eaux, des dérogations temporaires aux règles fixant les débits réservés des entreprises hydrauliques dans les bassins versants concernés peuvent être, en tant que de besoin, et après consultation de l'exploitant, ordonnées par le préfet, sans qu'il y ait lieu à paiement d'indemnité (article L. 211-8, C. envir.).

L’alimentation en eau potable est donc strictement encadrée afin de garantir sa priorité d’usage. Déclarée patrimoine commun de la nation, la ressource en eau se trouve protégée des intérêts particuliers en cas de contentieux. L’Etat, et le juge au contentieux, en cas de conflit d’usage, disposent d’une base légale pour trancher en faveur de l’intérêt général face à la multitude des intérêts privés.

Les prélèvements de la ressource en eau pour l’alimentation en eau potable sont donc favorisés par rapport à ceux réalisés pour la production de la neige de culture. Toutefois, les communes concernées affirment que le prélèvement d’eau pour fabriquer de la neige de culture est très faible. À l’échelle du département de l’Isère, il représente moins de 1% de la ressource en eau prélevée pour l’eau potable, bien qu’il puisse y avoir un fort impact en altitude où les cours d’eau et les eaux souterraines n’ont pas encore les débits qu’ils acquièrent en descendant vers les vallées. Cinquante pour cent de cette eau provient de retenues d’altitude avant tout construites dans le but d’assurer l’alimentation en eau potable des habitants.

La priorité à l’eau potable est ancrée dans les politiques locales. La Charte nationale en faveur du développement durable dans les stations de montagne de l’ANMSM l’affirme dans son plan d’action n° 6 consacré aux activités touristiques dont l’objectif est le développement de ces activités en veillant notamment à la gestion respectueuse de l’environnement. S’agissant du domaine skiable et des loisirs de neige, le paragraphe « production de neige » du plan d’action énonce les objectifs suivants : « donner la priorité à la consommation d’eau potable avant toute utilisation pour la production de neige ; utiliser des technologies et des équipements privilégiant l’optimisation et l’efficacité ; interdire l’utilisation d’adjuvant dans la production de neige ; garantir un juste équilibre entre la ressource en eau, l’équilibre économique des stations et la gestion durable du domaine skiable et, enfin, réduire en période estivale l’impact visuel des installations d’enneigement aux endroits les plus fréquentés. »


Ainsi, la création des ouvrages destinés à la production de la neige de culture est à concilier avec l’alimentation en eau potable de la population qui reste prioritaire.