
Les nanotechnologies encadrées par la réglementation des produits chimiques ; un cocktail explosif ?
Par Audrey COUYERE
Juriste en Droit de l'Environnement et Droit du Travail
EDF
Posté le: 30/08/2013 10:25
Plusieurs outils propres aux produits chimiques sont intéressants pour les nanoparticules ; au niveau international, le GHS, au niveau européen, le règlement européen REACH, ainsi que le règlement européen CLP, et au niveau national, les articles 42 de la loi Grenelle I et 185 de la loi Grenelle II qui a conduit à l’insertion d’un nouveau chapitre au sein du Livre V du code de l’environnement intitulé « Prévention des risques pour la santé et l’environnement résultant de l’exposition aux substances à l’état nanoparticulaire ». (Cabinet Huglo Lepage - Marie - Pierre Maître & Elise Merlant, 2013)
Le GHS
Le Global Harmonisation Signal (GHS) a été institué par la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement de RIO en 1992. A cette époque, la mondialisation des produits chimiques est une réalité. Toutefois beaucoup de personnes utilisaient des produits chimiques mais sans savoir. Des produits de grandes consommations peuvent comporter des dangers. L'affaire MATTEL, avec le plomb dans la peinture des jouets que les enfants mettaient à la bouche, en est un exemple. Le GHS avait pour objectif d’harmoniser, à l'échelle internationale, la classification et l'étiquetage des produits chimiques afin d'assurer leur utilisation, le transport, et l'élimination en toute sécurité. Les pictogrammes sont la clef pour une compréhension des dangers. Ils constituent la représentation concrète de signes harmonisés. Ce sont des outils qui n’ont toutefois pas de valeur contraignante. Les pictogrammes représentent concrètement trois classes de danger ; les dangers physiques (matières inflammables etc.), les dangers pour la santé (toxicité aigue etc.), ainsi que les dangers pour l'environnement (danger pour le milieu aquatique). Ces pictogrammes sont potentiellement utilisables pour des substances à l’état nanoparticulaire présentant l’un des dangers ci-dessus énoncé (Cabinet Jones Day, Maître Elodie Simon, 2013).
Le règlement CLP
Le GHS a été transposé en Union Européenne par le (Règlement (CE) n o 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE ) du 16 décembre 2008. Ce dernier signifie classification, étiquetage et emballage des substances et des mélanges. Ce règlement modifie et abroge des directives de 1999 et modifie le règlement REACH de 2006. Le règlement CLP met en place deux catégories d’outils pour les produits chimiques dangereux : premièrement, des outils de classifications des produits chimiques par classes de danger et catégories de dangers (soit une classification des dangers), et deuxièmement, des outils d'identification des produits chimiques, c’est-à-dire des outils permettant d'informer sur les dangers classés (les pictogrammes à apposer sur telle ou telle substance). Dans le règlement CLP, les 1000 pages d'annexes consistent en la classification des substances, les codes, et les pictogrammes associés. Le règlement CLP est très technique. C'est un guide contraignant. Son objet est de donner instruction : voici les pictogrammes à apposer pour telle ou telle substance (Cabinet Jones Day, Maître Elodie Simon, 2013). Les nanomatériaux qui remplissent les critères de classification comme substances dangereuses sous le Règlement CLP doivent être classifiés et étiquetés. Beaucoup de dispositions de ce règlement, notamment les fiches de données de sécurité, la classification et l’étiquetage, sont potentiellement applicables. Les substances, notamment les nanomatériaux, réunissant les critères de classification comme substance dangereuse et mis sur le marché, doivent être notifié à l’ECHA. Le règlement CLP est donc un garant de l’information des utilisateurs des substances contenant des nanoparticules. (Annexe 3 et 4) (European Commission)
Le règlement REACH
( REACH, 2006) est un règlement du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation, les restrictions relatives à la fabrication, la mise sur le marché et à l’utilisation de certaines substances et mélanges dangereux et de certains articles dangereux. Mise en place par le règlement REACH, l’agence européenne des produits chimiques (« ECHA ») a pour objet de mettre en œuvre ce règlement. REACH oblige les entreprises qui fabriquent et importent des substances chimiques à évaluer les risques résultant de leur utilisation et à prendre les mesures nécessaires pour gérer tout risque identifié. La charge de la preuve de la sécurité des substances chimiques fabriquées ou commercialisées appartient à l’industrie. Tout l’intérêt de REACH réside dans ce renversement de la charge de la preuve de l’innocuité et de l’efficacité des substances. (Institut du Droit de l'Environnement, 2010, p. 185)Le règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, ainsi qu’à renforcer la compétitivité du secteur des substances chimiques et l’innovation. Le champ d’application du règlement couvre toutes les substances, qu’elles soient fabriquées, importées, mises sur le marché ou utilisées, telles quelles ou dans des mélange. Le règlement exclut de son champ d’application, les substances radioactives (couvertes par la (Directive 96/29/Euratom du Conseil du 13 mai 1996 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants )), les substances soumises à un contrôle douanier qui se trouvent en dépôt temporaire, les transports de substances dangereuses et les déchets. (Europa, 2013)
Pour comprendre, l’articulation entre REACH et les nanotechnologies, il faut s’intéresser au champ d’application de cette réglementation. Tout d’abord, quelques définitions sont utiles ; une substance au sens de REACH est un élément chimique et ses composés à l’état ou obtenus par un processus de fabrication. Par exemple, le méthane, l’eau etc. L’industrie chimique fine est en contact continu avec la substance. Effectivement, une nanoparticule peut être considérée comme une substance. Mais leur seuil n’est pas respecté. Une substance doit être déclaré à compter d’une tonne par an. Les nanoparticules n’atteignent pas ce seuil. C’est pourquoi le règlement REACH est en cours d’adaptation pour que le seuil soit adapté. Donc, concrètement, REACH n’est pas encore applicable en tant que tel aux nanomatériaux. Le 21 juin, la Commission européenne a ouvert une consultation publique sur la modification des annexes du règlement Reach relatives aux nanomatériaux. Cette consultation, qui s'achève le 13 septembre, vise à évaluer l'efficacité, les coûts et la sécurité de cinq options de clarification de la procédure d'enregistrement des nanomatériaux."L'objectif de cette initiative est d'assurer une grande clarté s'agissant de la prise en compte des nanomatériaux [par le règlement Reach] et de l'évaluation en matière de sécurité", explique la Commission, précisant qu'une proposition de révision des annexes de Reach tenant compte des propositions formulées dans la cadre de cette consultation devrait être proposée d'ici la fin de l'année. (Actu-Environnement, 2013) (European Commission)
Toujours dans le cadre du champ d’application de REACH, un mélange est un mélange ou une solution de deux substances ou plus. Par exemple, l’eau de javel, c’est une combinaison de substances. Si on ne peut retrouver les éléments composants c’est une substance, si on retrouve les éléments séparément c’est un mélange. Des nanoparticules peuvent être utilisées en mélange. Elles entrent donc dans le champ d’application de REACH. Un article est un objet auquel sont donnés, au cours du processus de fabrication, une forme, une surface, ou un dessin particulier qui sont plus déterminants pour sa fonction que sa composition chimique. Tout produit finis qui contient des produits chimiques est un article au sens de REACH. A titre d’illustration, les pneus, les ordinateurs, les crèmes solaires sont des articles. Or les crèmes solaires contiennent des nanoparticules de dyoxide de titane. C’est pourquoi le règlement REACH peut potentiellement s’appliquer aux nanoparticules incluses dans des articles. En effet dans toute fabrication d'article, on va utiliser des substances. Donc on peut fabriquer des avions, et être concerné par REACH. Souvent les entreprises n'ont pas conscience de cela. REACH s'applique parce que pour fabriquer des avions, on va faire de la chimie (Cabinet Jones Day, Maître Elodie Simon, 2013).
Quel est l’intérêt du règlement REACH pour la prévention des risques résultants de nanotechnologies ? La protection des populations contre les risques potentiels ou éventuels résultant de nanoparticules réside dans les quatre grands principes de REACH. Le premier principe consiste en « No data, no market » ; si l’entreprise n'enregistre pas, l’entreprise ne pourra mettre sur le marché les substances chimiques. L'enregistrement doit porter sur des substances fabriquées ou importées à hauteur d'une tonne par an. Le second principe est le transfert de la charge de la preuve. Avant l'entrée en vigueur du règlement REACH, tout ce qui n'était pas interdit, l’industriel pouvait le mettre sur le marché ; à titre d’illustration le bisphénol A dans les biberons. L'Etat avait la charge de la protection de la santé publique. Avec le règlement REACH, le transfert de la charge de la preuve pèse sur le fabriquant et l'importateur. Ceux-ci sont soumis à l'obligation de l'enregistrement. En fournissant les différentes données, ils doivent prouver que l’innocuité de la substance, les risques et les mesures pour prévenir les risques. Avant c'était l'Etat, aujourd'hui on met cette charge sur l'industrie de la chimie. Logiquement un conflit d’intérêt peut naître ; c'est leur marché, et c'est sur eux que pèse la charge de la preuve. Le troisième grand principe concerne la communication d'information tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Le but est de maîtriser les différents risques liés à l'utilisation d'une substance. L’information doit être transférée à l'ECHA et les données seront publiées sur le site internet de l'ECHA. Toutefois les données sont très techniques pour le profane. Le quatrième principe qui est en réalité un objectif c’est de favoriser une politique d’innovation (développement de nouvelles molécules à faible risque) et de substitution des substances les plus dangereuses (Cabinet Jones Day, Maître Elodie Simon, 2013).
Quant à l’articulation entre REACH et CLP, il faut bien noter que si leurs enjeux sont communs – améliorer les connaissances des risques chimiques pour la santé et l’environnement -, leurs objets sont distincts – REACH visant la mise sur le marché et l’utilisation des produits tandis que le CLP intervient plus en amont sur la classification, l’étiquetage et l’emballage des produits chimiques. Le CLP c'est vraiment pour l'industrie chimique. Tandis que REACH a un impact vraiment plus étendu (Cabinet Jones Day, Maître Elodie Simon, 2013).
Le champ d’application de REACH
Le postulat sous REACH et CLP est le suivant : celui qui fabrique son produit connaît mieux les risques que celui qui importe le produit. Ceci a une incidence sur les responsabilités des acteurs. Le règlement REACH s’adresse à quatre types d’acteur, le fabriquant, l’importateur, l’utilisateur en aval ainsi que le distributeur. Les obligations au titre de REACH sont distinctes pour chaque acteur. Le fabricant est toute personne physique ou morale établie dans la communauté qui fabrique une substance dans la communauté. Le fabriquant c'est celui qui est au contact de la substance. Sauf qu’ensuite, il les revend à celui qui l’a mandaté. Les sous-traitants sont les fabricants selon l'ECHA. Cela n'a pas plus aux fabricants sous -traitant qui n’exécutaient que la commande basée sur un cahier des charges du mandant. Mais ce sont les sous-traitants fabricants qui sont responsable de l'enregistrement. L’importateur est toute personne physique ou morale établie dans la communauté qui est responsable de l'importation. L'importateur est celui qui importe depuis un territoire douanier extérieur à l'Union Européenne. L’utilisateur en aval est toute entité qui utilise une substance ou un mélange dans le cadre de son processus industriel ou professionnel. A titre d’illustration, EDF SA est principalement concernée par REACH en tant qu’utilisateur et dans une moindre mesure comme producteur voire importateur de produit chimique. EDF SA doit donc respecter les engagements relatifs en termes d’approvisionnement et de communication des données. De nombreuses fonctions du groupe sont donc impliquées dans l’application de ce règlement (EDF C. Delon, 2013) Le principe est que cette entité est placée en Union Européenne. Par exemple, l’industrie automobile qui utilise les peintures pour les voitures est utilisateur en aval. Les industriels ne sont pas nécessairement informés qu'ils ont des obligations au titre de REACH. Les distributeurs ont une obligation d'information sur les risques et la manière de gérer ces risques. Au niveau des responsabilités encourues, les casquettes (fabriquant, importateur, distributeur) peuvent être cumulées. Un constructeur automobile va cumuler le rôle d’importateur, d’utilisateur en aval et de distributeur. Il sera donc soumis aux trois types d’obligations rattachées aux différents rôles. (Cabinet Jones Day, Maître Elodie Simon, 2013)
Les obligations imposées par REACH
Sous REACH, six obligations générales peuvent être identifiées. La première obligation c’est l’enregistrement (avec l'annexe 14), la demande d’autorisation/ restrictions (avec l'annexe 17) dès lors qu'un industriel les fabrique à plus d'une tonne par an. La deuxième obligation consiste en l’évaluation et la gestion des risques liés aux substances. La troisième est l’obtention, la description et la transmission, tout au long de la chaîne d'approvisionnement, d'informations sur les risques liés à la production, l'utilisation et l'élimination des substances. L’intérêt principal est de permettre d’acquérir une meilleure connaissance des propriétés des substances utilisés (ref. chapitre 2). La quatrième est l’établissement d’une fiche de données de sécurité (FDS) pour substances et mélanges. La FDS présente la classification et toutes les mesures de gestions des risques, l'utilisation, les équipements de protection individuelle (EPI) etc. Les FDS sont des documents illisibles. Des FDS simplifiés existent. Toutefois ces dernières n’ont pas de valeurs juridiques. L'ECHA demande de transmettre une première fois au moins au client la FDS pour la substance. Si on devait transposer ceci aux articles contenant des nanoparticules, une FDS devrait, en principe, être transmise à chaque client qui achète un produit contenant des nanoparticules. Cinquièmement, une obligation d’étiquetage pèse sur les acteurs. Sixièmement, une notification de la classification doit être transmise à l’ECHA (Cabinet Jones Day, Maître Elodie Simon, 2013).
Les responsables de premiers rangs sont les fabricants et les importateurs. S’agissant de l’obligation d’enregistrement, cinq obligations s’imposent à eux. Ils doivent pré-enregistrer et enregistrer des substances fabriquées ou importées à plus d'une tonne par an, partager des informations afin de réduire les coûts et les essais sur les animaux vertébrés, obtenir de données complémentaires si nécessaire et enfin préparer un dossier technique. En ce qui concerne ce dernier, le fabriquant ou l’importateur doit évaluer la sécurité chimique (les essais / informations doivent être proportionnés à la quantité de la substance fabriquée ou importée) et émettre un rapport sur la sécurité chimique (lorsque la substance est produite à plus de 10 tonnes par an). S’agissant de l’obligation d'obtenir une autorisation pour les substances considérées comme extrêmement préoccupantes SVHC (annexe XIV), toutes les substances listées à l'annexe 14 seront des substances à terme interdites de mises sur le marché sauf sur autorisation, de la communauté européenne, pour un usage déterminé. Cette procédure est indépendante du tonnage. Les substances visées sont les substances cancérigène, mutagène et repro-toxique (CMR), persistante, bioaccumulable, et toxique (PBT), et enfin, très persistante, très bioaccumulable (vPvB). Une autorisation administrative d’exploiter une substance interdite, n’est pas contraire à la reconnaissance d’une responsabilité pénale au titre de dommages corporels causés à des tiers du fait de la dite substance. C’est la raison pour laquelle peu d’industriels se lance sur la voie de l’autorisation. Le fabriquant ainsi que l’importateur ont l’obligation de respecter les restrictions applicables à la fabrication, la mise sur le marché et l'utilisation de certaines substances et mélanges dangereux et de certains articles dangereux (Annexe XVII). Enfin, une obligation d’information pèsent sur eux : une information horizontale - au sein des forums d'échange d'information sur les substances (FEIS/ SIEF) et verticale – FDS (Cabinet Jones Day, Maître Elodie Simon, 2013).
Les responsables de second rang sont les utilisateurs en aval (« downstream users ») et les distributeurs. Les utilisateurs en aval sont "toute personne physique ou morale établie dans la communauté, autre que le fabricant ou l'importateur, qui utilise une substance, telle quelle ou contenue dans une préparation, dans l'exercice de ses activités industrielles ou professionnelles". L’utilisateur doit déterminer, mettre en œuvre, et recommander les mesures de réduction du risque, s'assurer de l'enregistrement/ l'autorisation de la substance utilisée, évaluer le risques résultant des utilisations non couvertes par une FDS communiquée par leurs fournisseurs (CSR), transmettre les informations sur les utilisations des substances dans la chaîne d'approvisionnement (transmission de la FDS) et participer au SIEF. Le distributeur doit faire remonter les informations sur la propriété dangereuse qu'il découvrirait, transmettre les informations en amont dans la chaîne d'approvisionnement - c'est-à-dire des informations nouvelles sur les propriétés dangereuses (quelles que soient les utilisations concernées) et toutes autres informations qui pourrait mettre en doute le caractère approprié des mesures de gestion des risques identifiés dans une FDS -, et transmettre les informations et les recommandations aux utilisateurs intermédiaires ou finaux (consommateurs) en aval de la chaîne d'approvisionnement. Dans le contexte d’incertitude scientifiques quant aux risques liés aux nanotechnologies cette dernière obligation est particulièrement utile pour assurer une information en continue. (Cabinet Jones Day, Maître Elodie Simon, 2013) .
Quant aux responsables de derniers rang, utilisateurs finaux et consommateurs, ils bénéficient des informations sur les substances et la gestion des risques, d’un droit d'accès aux informations sur les substances auxquelles ils risques d'êtres exposés, afin de pouvoir prendre en connaissance de cause des décisions sur l'utilisation qu'ils souhaitent faire de ces substances, et d’un droit d'accès aux informations détenues par l'ECHA et les Etats Membres conformément à la réglementation européenne relative à l'information, la participation du public et l'accès à la justice en matière d'environnement. Cette possibilité s’avère effectivement mise en place dans le cas de la procédure française de déclaration des substances à l’état nanoparticulaires (voir développements ci-après). (Cabinet Jones Day, Maître Elodie Simon, 2013).
Enfin, les responsables "inattendus", les fournisseurs d'articles, sont tout producteur ou tout importateur d'article, tout distributeur ou tout autre acteur de la chaîne d'approvisionnement qui met un article sur le marché. Deux obligations pèsent pour les fournisseurs d'articles contenant une substance incluse dans la liste de candidats avec une concentration supérieure à 0, 1% masse/masse ; d’une part, fournir d'office au destinataire de l'article, les informations dont il dispose pour permettre l'utilisation dudit article en toutes sécurité et comprenant, au moins, le nom de la substance, et d’autre part, fournir sur demande du consommateur, les informations dont il dispose pour permettre l'utilisation dudit article en toute sécurité et comprenant au moins le nom de la substance. Une information d'office doit être faite au professionnel qui utilise l'article, et une obligation seulement sur demande pour le consommateur. Donc finalement l'obligation d'information n'est pas si lourde que ça. Par exemple, une fillette brûlée à la joue par le diméthyle fumarate présent sur une jupe. Concrètement, tout consommateur peut demander les informations sur un produit en particulier. Il y a énormément de produits qui contiennent des substances candidates à la liste des substances interdites sous l'annexe 14. Pour les nanotechnologies, les connaissances étant actuellement réduites, les informations transmises aux consommateurs le seront également, c’est pourquoi, il semble approprié de conclure que le dispositif ne permet pas actuellement de prévenir les risques pour la santé des utilisateurs finaux et consommateurs. Toutefois à l’avenir, lorsque la communauté scientifique en saura plus sur l’aspect toxicologique, cette obligation portera les fruits escomptés en terme de prévention, d’où l’intérêt de l’obligation de suivi. (Cabinet Jones Day, Maître Elodie Simon, 2013)
L’obligation de suivi
Le règlement REACH adopté par le Parlement européen en décembre 2006 fait certes obligation aux industriels d’évaluer la toxicité des substances chimiques qu’ils utilisent, mais ce travail d’investigation, aussi sérieux qu’il soit intervient seulement en amont de la commercialisation des nouveaux produits. Ce qui est inquiétant, c’est qu’à l’heure actuelle les fabricants n’auraient peut – être aucune raison d’être inquiétés s’ils se désintéressaient des propriétés de leurs produits une fois ceux-ci mis en circulation.
Le législateur français a assorti l’exception du risque de développement dans le cadre de la transposition de la directive sur la responsabilité des producteurs de produits défectueux, d’une obligation de suivi. Laquelle limitait la portée de l’exception du risque de développement. L’obligation de suivi posait comme condition préalable à l’exonération du risque de développement que les fabricants continuent de se soucier de la sécurité de leurs produits pendant 10 ans à compter de leur mise sur le marché, période durant laquelle les progrès scientifiques seraient susceptibles de mettre à jour un vice autrefois indécelable. Le manquement à cette obligation de suivi évinçait les fabricants du champ protecteur de l’article 1386-12 alinéa 1er (l’exonération pour risque de développement). La responsabilité personnelle des fabricants pouvait donc être engagée sur le fondement d’un manquement à l’obligation de suivi. Malheureusement, le législateur français s’est vu contraint d’abroger la disposition renfermant cette obligation, après que celle-ci ait été jugée non conforme à la directive sur les produits défectueux par la Cour de justice des communautés européennes – CJCE, 5ème ch., 25 avril 2002. Ce droit des produits est un droit largement communautarisé. Le législateur français n’a donc que très peu de marge de manœuvre pour prévenir les risques sanitaires et environnementaux des produits mis sur le marché. L’objectif poursuivi par la Cour est d’ordre économique ; à l’échelon européen, il consiste à éviter toute concurrence déloyale entre les produits produit par les différents pays de l’Union européenne. (C., 2010)
Mais la position de la Cour européenne pourrait changer. D’une part, en effet, en 1985, au moment de l’adoption de la directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux, la protection des consommateurs ne figurait pas encore parmi les objectifs principaux du traité CE. Certes, il existe un principe selon lequel une directive européenne doit être interprétée au regard des objectifs européens existants au moment où elle a été adoptée. Or, l’obligation pour les fabricants de veiller à la sécurité de leurs produits a depuis connu un nouvel élan au plan européen et national, notamment depuis que ( Ordonnance n° 2008-810 ) complétant la transposition de la (Directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la sécurité générale des produits , 2001) enjoint clairement les fabricants – comme tout professionnel intervenant dans la chaîne de commercialisation – de prendre des mesures propres à maîtriser les risques dont ils viennent à prendre connaissance – article L 221-1 et suivants du (Code de la Consommation). D’autre part, il est parfaitement possible que l’obligation de suivi soit directement appliquée par les juridictions nationales. Tout d’abord, sur le fondement du droit commun de la responsabilité, il est encore possible d’appliquer le principe selon lequel « qui peut et n’empêche pêche » : si le producteur est en mesure de prévenir les conséquences dommageables du défaut de son produit et qu’il ne le fait pas, son comportement est fautif. Ce principe ne suffit pas ; l’obligation est plus exigence que ce principe, elle requiert également que les fabricants s’efforcent de découvrir le risque par eux – même en poursuivant leurs contrôles au gré des progrès techniques et scientifiques acquis dans leur secteur d’activité. Il ne s’agit donc pas d’une simple obligation de prudence mais d’une obligation de surveillance. Un autre fondement possible, sur le plan européen, ce sont les objectifs principaux poursuivis par l’Union européenne, quant à la santé publique – article 168 du traité CE actuel, et à la protection des consommateurs – articles 169 du traité CE actuel. (C., 2010)
Compte tenu des développements qui précèdent, rien n’empêcherait aujourd’hui le juge français de se faire lui-même l’artisan d’une obligation de suivi. Eventuellement transposés aux nanotechnologies, deux arrêts rendus le 7 mars 2006 par la Cour de cassation, nous permettent de le penser. Les affaires en question concernaient un produit pharmaceutique, le distilbène, prescrit aux femmes enceintes et destiné à éviter des fausses couches. Un lien ayant été établi entre ce médicament et les tumeurs cancéreuses dont les nouveaux - nés avaient été atteints, la Cour de cassation avait approuvé les juges d’appel d’avoir énoncé que le laboratoire responsable de la fabrication et de la commercialisation du produit avait « manqué à son obligation de vigilance en ne surveillant pas l’efficacité du médicament. » Pour l’heure, il serait prématuré d’envisager que la responsabilité civile des fabricants de nanomatériaux puisse être engagée sur l’obligation de suivi. « En effet, par transposition, qu’en aurait-il été si l’on avait ignoré les risques du distilbène avant de constater les dommages qu’il pouvait causer ? Aurait-il pu être reproché ici au laboratoire de s’être désintéressé de la dangerosité éventuelle de son médicament après sa mise en circulation ? » Cette question tombe à point nommé en ce qui concerne les médicaments contenant des nanocoques, ainsi que pour tous les autres produits contenant des nanomatériaux.Selon Coulon, si les données scientifiques actuelles ne permettent pas de conclure à la toxicité des produits qui sont issus des nanotechnologies, on est en droit d’attendre des fabricants qu’ils persistent à éprouver leur sécurité au regard des progrès réalisés depuis leur mise en circulation et des connaissances nouvelles acquises. Imposer une obligation de suivi aux fabricants de produits nano-structurés semble une solution raisonnable, d’autant que l’on pourrait y voir une véritable percée du principe de précaution dans le droit de la responsabilité civile. En revanche, faire appel au principe de précaution pour empêcher les fabricants de produire des articles sous prétexte qu’ils contiennent des nanoparticules, d’autant que l’obligation de suivi pourrait être facilitée avec des outils tel que l’implantation de Radio Frequency Identification Device RFID sur les biens de consommation. Ces étiquettes millimétriques auxquels les fabricants et distributeurs s’intéressent aujourd’hui en ce qu’elles amélioreraient la traçabilité des produits (C., 2010).