Au cour des dernières décennies, des taux croissants d'apparitions de pathologie liées à des troubles endocriniens ont été relevés. Ceci amène la question des perturbateurs endocriniens à être un thème de santé publique de plus en plus important. Or plus le nombre d'études menées sur le sujet est important, plus on se rend compte de sa complexité.
C'est pourquoi la commission européenne a demandé à l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de réaliser une étude, publiée le 20mars 2013, dans le but de l'aider à définir des critères scientifiques pour la détermination des perturbateurs endocriniens dans la chaîne alimentaire.


Éléments de compréhension:

Le système endocrinien est un réseau de glandes responsables de la communication interne de l'organisme.
Ceci fonctionne par l'action de messagers chimiques, les hormones. Ces dernières, sécrétées par les glandes, sont des éléments bio-chimiques qui circulent dans l'organisme et qui induisent une action chez une cellule cible par stimulation d'un récepteur spécifique.
La régulation du niveaux de sécrétion de ces hormones, par le système endocrinien, est un élément clé du bon développement d'un individu.
Sa perturbation peut induire l'apparition de pathologie plus ou moins lourdes telles que l'obésité, des troubles reproductifs ou des cancers.

Un perturbateur endocrinien est une substance qui, lorsqu'elle entre dans l'organisme, induit un effet nocif pour ce-dernier. Si la substance à un effet qui n'est pas reconnu comme étant nocif, elle n'est pas définie comme étant un perturbateur (ex: pilule contraceptive). Cet effet nocif peut être causé, par exemple, par le fait que la substance est bio-chimiquement très proche d'une hormone naturelle et active un récepteur cellulaire spécifique à cette hormone. Elle peut, ainsi, entraîner une réponse physiologique d'adaptation à un stimulus extérieur non justifiée par l'environnement réel de l'individu. (ex: stockage disproportionné de graisses).
Il existe d'autres mécanismes de perturbation endocrinienne tels que le blocage d'une hormone ou de son action par le perturbateur, la modification du niveau naturel de sécrétion hormonale ou l'altération des processus naturels de dégradation des hormones après usage (entraînant une sur-concentration de ces hormones).

Tous les individus d'une même population ne sont pas égaux devant les perturbateurs endocriniens. En effet, la sensibilité à ces derniers peut dépendre du bagage génétique de l'individu mais aussi de son age, de son sexe, de son état de santé ou de son état physiologique (ex: femmes enceintes).

Certaines de ces substances sont naturellement présentes dans certains aliments ou sont ajoutée par l'activité humaine. Ainsi, des phytooestrogènes sont naturellement présents dans certains aliments végétaux. À l'inverse certains pesticides qui n'ont rien de naturels se retrouvent concentrés à des doses plus ou moins élevées dans certains végétaux alimentaires destinés aux hommes ou aux animaux d'élevage. D'autres substances contaminent les préparations alimentaires par contact. C'est ainsi le cas du bisphénol A qui contamine le lait des nourrissons lorsqu'il est présent dans la composition de la tétine.

Un risque est le croisement d'un aléa (événement potentiellement dangereux) et d'une vulnérabilité (exposition). La dangerosité estimée d'une substance doit donc être liée à l'exposition du consommateur à cette dernière. A titre d'exemple, les noyaux d'abricots contiennent des perturbateurs endocriniens. Leur consommation pourra donc entraîner un aléa. Cependant, nous ne mangeons pas le noyau des abricots et ces-derniers sont à priori étanches à ces substances. Il n'y a donc pas de vulnérabilité vis à vis de ces substances. On peut, dès lors, considérer qu'il n'y a que très peu de risque à consommer des abricots. A l'inverse, si un substance ingérable n'est dangereuse qu'à partir d'une certaine dose, il n'y a pas de risque à la consommer tant que l'on reste sous le seuil de dangerosité car même s'il y a une exposition, il n'y a pas d'aléa.

Les conclusions de l'EFSA:

L'EFSA rappelle que toutes les substances actives sur le système endocrinien ne sont pas des perturbateurs.

De plus, elle expose le fait que les études relatives à la dangerosité des substances suspectes doivent prendre en compte la probabilité d'exposition à ces substances.

Par ailleurs, elle considère que les tests existant sont, dans l'ensemble, performants pour l'évaluation de la nocivité de ces substances sur les mammifères et les poissons. Ceci est moins vrai pour les oiseaux et amphibiens.

Compte tenu de la complexité des mécanismes biologiques, elle rappelle que plusieurs études menées par des experts différends sont nécessaires pour classer une substances parmi les perturbateurs endocriniens.

De plus, elle recommande de réaliser des études complémentaire relatives aux fenêtres de sensibilité.
Ces dernières décrivent le fait qu'un organisme est plus ou moins sensible à un perturbateurs en fonction de son stade de développement. En effet, une exposition au cour de l'adolescence n'a potentiellement pas les mêmes effets sur un individu qu'une exposition à l'âge adulte.

De la même manière, elle recommande des études complémentaires relatives à l'exposition à plusieurs substances combinées.

Enfin, elle met en avant la nécessité de se pencher sur les effets à faible dose.
En effet, la norme scientifique veut que les études soient réalisées dans des fourchettes d'exposition qui démarrent à 1mg/kg. Or, certaines substances sont soupçonnées d'être plus dangereuses lorsqu'elles sont présentes à des quantités comprises dans des fourchettes largement inférieures à 1mg/kg. Ainsi, même si cela semble paradoxal, certaines substances seraient plus dangereuses à un taux d'exposition de 1 microgramme/kg (micro=millionième) qu'a 1mg/kg. Si, après des expérimentations approfondies, cette théorie dite "hypothèse des faibles doses" est démontrée, cela remettrait complètement en question l'ensemble des protocoles de tests utilisés à ce jour pour déterminer les seuil acceptables d'exposition. Ceci est notamment le cas pour de nombreux pesticides.

Débats autour des perturbateurs endocriniens:

Comme nous l'avons vu, pour être considéré comme étant un perturbateur endocrinien, une substance doit agir sur le système endocrinien et avoir un effet observable (ce dernier doit être nocif). Il existe cependant une difficulté importante qui est l'établissement du lien de causalité entre l’interaction de la substance avec le métabolisme et l'effet observé. Ceci est bien plus compliqué qu'il n'y parait du fait de la complexité des mécanismes biologiques et de la multiplicité des facteurs potentiellement influant (mode de vie, génétique, exposition à d'autre facteurs perturbant tels que les ondes et synergies entre les éléments). Ceci oblige les autorités compétentes à effectuer des examens au cas par cas afin d'établir les liens de causalité. Dans l'état actuel des connaissances scientifiques, ces derniers restent des modèles probabilistes qui, dans un grand nombre de cas, ne permettent pas de conclure de manière certaine. Ces études sont donc très fortement soumises à des débats et à des contre-études qui peuvent ralentir la prise de conscience relative à la dangerosité de la substance. Ceci est d'autant plus vrai lorsque son lien avec des enjeux économiques est élevé (ex: Bisphénol A, certains pesticides etc...). Ce point fait beaucoup réagir les ONG écologistes qui dénoncent les conflits d’intérêts et les pressions exercées, notamment, par les lobbys agrochimiques et pharmaceutiques qui n'ont pas intérêt à ce que trop de substances soient classées perturbateurs endocriniens. En effet, un tel classement pourrait entraîner une interdiction de mise sur le marché de ces substances.

Par ailleurs, ces associations dénoncent la non-légitimité de l'EFSA à rendre un avis. En effet, les écologistes considèrent que l'EFSA s'est déjà montré sous un jour peu objectif notamment sur des questions relatives au bisphénol-A puisqu'elle avait défendu son utilisation alimentaire. Ils craignent que l'EFSA soit trop influencée par les lobbys.

Enjeux et portée:

Cette étude de l'EFSA s'inscrit dans le cadre de l'élaboration d'une définition juridique des perturbateurs endocrinien par la commission européenne pour la fin 2013. en attendant, un régime transitoire a été mis au point. Il prévoit que toutes les substances ayants des effets perturbants le système endocrinien ne peuvent être approuvées par la commission, sauf si l'exposition de l'homme à cette substance est négligeable.
Elle s'inscrit de plus, dans le cadre du règlement 528/2012 qui entrera en vigueur en septembre 2013. Ce dernier a pour objectif d'harmoniser les procédure d'homologation tout en renforçant
le contrôle de ces substances.
Enfin, la définition des perturbateurs endocriniens que rendra la commission influencera le classement de nombreuses substances vis-à-vis du règlement REACH. En effet, les perturbateurs endocriniens font partie des substances extrêmement préoccupantes définies à l'article 57. lorsqu'une définition juridiques sera proposée un grand nombre de substances (évaluées au cas par cas) risque d'être exclues.


Les perturbateurs endocriniens sont des substances qui alimenteront probablement le débat sanitaire et politique pour les années à venir. Dans ce cadre l'EFSA a publié un rapport commandé par la commission européenne donnant les premiers éléments nécessaires à la bonne évaluation de ces substances. Consciente des enjeux extrêmement importants de ce sujet et du grand niveau d'incertitude scientifique de notre époque, l'EFSA à, par ailleurs, affirmé toute l'importance de mener de nombreuses études complémentaire sur plusieurs grands thèmes. À la lumière de ces études, le cadre juridique risque de continuer à se durcir considérablement à l'avenir. Les débats avec les lobbys concernés s'annoncent rudes et musclés. Affaire à suivre....