Quelle réglementation pour les toilettes sèches ?
Par Camille TURREL
Ingenieur QHSE
Bernis Trucks
Posté le: 07/08/2013 20:02
Le droit français a longtemps ignoré les toilettes sèches, ce qui posait certaines difficultés pour respecter la loi en la matière.
Aujourd’hui, l’arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions applicables aux installations recevant une pollution organique inférieure ou égale à 20 DB05, autorise explicitement l’installation de toilettes sèches. Ces dernières sont définies comme des toilettes « sans apport d’eau de dilution ou de transport ».
C’est une petite révolution lorsque l’on sait qu’antérieurement à cet arrêté, il était toujours question du traitement des eaux, que ce soit les « eaux usées », les « eaux à vannes » ou les « eaux résiduaires ». Aucune fois il n’a été mentionné dans la réglementation la possibilité d’un traitement des excréments humains d’une autre manière que par le biais des eaux usées.
La loi sur l’eau et les milieux aquatiques, n°2006-1772, du 30 décembre 2006, mentionne implicitement les toilettes fonctionnant à l’eau, notamment en posant l’obligation, pour les immeubles non raccordés au réseau public de collecte des eaux usées, de s’équiper d’une installation d’assainissement non collectif (article L1331-1-1 du code de la santé publique).
Mais, en parallèle, l’article R111-3 du code de la construction et de l’habitation précise que le « logement doit être pourvu d’un cabinet d’aisances intérieur au logement et ne communiquant pas directement avec les cuisines et les salles de séjour », sans en préciser la nature. Par conséquent, il ne rejette pas la possibilité que le cabinet d’aisance soit des toilettes sèches. Dans quelles mesures alors, l’installation de toilettes sèches respecte t-elle la réglementation française ?
L’installation de toilettes sèches doit respecter certaines mesures d'implantation (I), doit éventuellement obtenir un permis de construire (II), et doit respecter les prescriptions techniques imposées par la réglementation (III). Le respect de ce cadre légal permettra au propriétaire d’obtenir un avis favorable de la commune lors des contrôles (IV).
I. Les conditions géographiques d’implantation des toilettes sèches
Les toilettes sèches sont un système d’assainissement non collectif. Il convient donc de savoir si elles peuvent être installées pour une habitation située dans une zone d’assainissement collectif telle que délimitée par la commune.
La réponse à la question ministérielle n°73941 du 16 mars 2010 est venue éclaircir ce point. Le ministère de l’Ecologie, de l’Energie et du Développement durable précise qu’une installation de toilettes sèches est autorisée, « y compris dans les zones d’assainissement collectif ». Ces installations seront contrôlées par la commune conformément à l’arrêté du 7 septembre 2009 relatif aux modalités d’exécution de la mission de contrôle des installations d’assainissement collectif.
II. L’obligation d’obtention d’un permis de construire
Le permis de construire est un acte administratif obligatoire pour tous les projets de construction (article L421-1 du code l’urbanisme). En principe, toutes les constructions nouvelles doivent préalablement faire l’objet d’un permis construire.
Cependant, le code de l’urbanisme dispense de toute formalité certaines constructions telles que :
- les constructions nouvelles de moins de 12 mètres de hauteur au dessus du sol dont la surface de plancher et l’emprise au sol sont inférieures ou égales à 5m2 (article R421-2 du code de l’urbanisme) ;
- les construction dont soit l’emprise au sol, soit la surface de plancher est supérieure à 2m2 et dont la hauteur est inférieure à 12 mètres, l’emprise au sol et la surface de plancher sont inférieure à 20m2 ;
- les constructions implantées pour une durée n’excédant pas trois mois (article R421-5 du code de l’urbanisme).
Le code de l’urbanisme soumet à déclaration préalable :
- les constructions ayant pour effet de créer une surface hors œuvre brut supérieure à 2m2 et inférieure ou égale à 20m2 ;
- les constructions de plus de 12 mètres de hauteur et dont la surface hors d’œuvre brut créée est inférieure ou égale à 2m2.
Ces exemptions à l’obligation d’obtenir un permis de construire ne sont pas exhaustives, mais peuvent concerner plus particulièrement une installation de toilettes sèches.
Si l’installation de toilettes sèches entre dans l’une de ces situations, alors elle sera exemptée de toute formalité administrative ou soumise à déclaration préalable. Dans le cas contraire, le particulier devra faire une demande de permis de construire auprès de la mairie.
III. Les prescriptions techniques applicables aux toilettes sèches
L’arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2kg/j de DBO5, introduit une section 5 relative au cas particulier des toilettes sèches. L’article 17 autorise explicitement les toilettes sèches par dérogation de l’article 3 de l’arrêté susvisé.
Les toilettes sèches peuvent être mises en œuvre soit pour traiter en commun les urines et les fèces (matières fécales), soit pour les traiter séparément. Dans le dernier cas, les fèces sont traitées par séchage et les urines rejoignent la filière de traitement des eaux ménagères.
Dans le premier cas, l’arrêté de 2009 pose la condition que les urines et les fèces soient mélangées à un matériau organique pour produire un compost.
Trois principes doivent être respectés pour installer des toilettes sèches. Elles ne doivent générer « aucune nuisance pour le voisinage », « ni rejet liquide en dehors de la parcelle », « ni pollution des eaux superficielles ou souterraines ».
Afin de respecter ces principes, l’article 17 pose des conditions à la mise en œuvre des toilettes sèches qui doivent mettre en place :
- une cuve étanche recevant les fèces ou les urines ;
- une aire étanche conçue de façon à éviter les écoulements et à l’abri des intempéries, sur laquelle est vidée la cuve ;
- une utilisation des sous-produits (compost) valorisés uniquement sur la parcelle et ne générer aucune nuisance.
Ces conditions se heurtent néanmoins à la difficulté de corréler les enjeux sanitaires et les enjeux écologiques. Effectivement, pour obtenir du compost, il est nécessaire que la matière organique soit bien oxygénée et en contact avec la terre. Or, les conditions posées par l’arrêté du 7 septembre 2009 imposent que l’aire, étape indispensable au compostage, soit étanche. Cette condition montre la problématique que représente les toilettes sèches entre la volonté de préserver les eaux superficielles et souterraines et, celle de développer un traitement des fèces et urines moins consommateur d’eau et d’énergie. Le stockage des matières fécales peut effectivement contaminer les eaux en développant des bactéries ou des virus, ce pourquoi la réglementation impose l’étanchéité de la cuve et de l’aire de stockage.
D’autre part, l’obligation de valorisation des sous-produits sur la parcelle posée par l’arrêté du 7 septembre 2009 vient limiter la mise en place de toilettes sèches pour les habitations ayant peu de terrain.
Actuellement, les modalités d’épandage et de traitement des matières issues des toilettes sèches ne sont pas réglementées. Il existe une réglementation de l’épandage applicable aux boues issues du traitement des eaux usées domestiques provenant des stations d’épuration. Cependant, cette réglementation ne s’applique pas à l’épandage des matières issues des toilettes sèches, tout comme la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) qui encadre des pratiques à une échelle industrielle. Les volumes produits par les toilettes sèches d’un particulier, d’une collectivité ou des toilettes louées lors d’un festival sont bien inférieurs à ceux produits à l’échelle industrielle.
L’autorisation des toilettes sèches est déjà une petite révolution, mais il reste encore plusieurs points à éclaircir quant à se mise en œuvre.
IV. Le contrôle d’une installation de toilettes sèches
Les toilettes sèches, en tant qu’installation d’assainissement non collectif, vont faire l’objet d’un contrôle par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale en charge de l’assainissement non collectif.
Le contrôle des toilettes sèches doit être effectué selon les dispositions de l’arrêté du 27 avril 2012 relatif aux modalités de l’exécution de la mission de contrôle des installations d’assainissement non collectif. En plus des points imposés par l’arrêté, l’étanchéité de la cuve recevant les matières, l’épandage des matières et l’absence de nuisance pour le voisinage et la pollution visible devront faire l’objet du contrôle.
Parallèlement aux toilettes sèches, le système de traitement des eaux ménagères, s’il s’agit d’une installation autonome, fera aussi l’objet d’un contrôle.
A la suite de ce contrôle, l’autorité compétente délivrera un rapport dans lequel elle consigne les observations réalisées au cours de la visite et où elle évalue la conformité de l’installation. En cas de non-conformité, la commune liste les aménagements ou modifications à réaliser. Une contre-visite sera effectuée afin de vérifier la bonne exécution des travaux dans les délais impartis (article 3 de l’arrêté du 27 avril 2012).