Au sein de l’Union Européenne, le démantèlement d’un navire ainsi et les sites qui s’y attèlent sont soumis à une réglementation environnementale spécifique et contraignante. En effet, l’application de la nomenclature ICPE est un premier pas vers une déconstruction plus propre et plus respectueuse de l’environnement.
La sauvegarde de l’environnement est devenue un sujet délicat sur lequel la population et les associations de protection de l’environnement sont de plus en plus intransigeantes. La réaction des associations telles que l’association nationale de défense des victimes de l’amiante (ANDEVA), l’association Ban Asbestos, Greenpeace ou encore le comité anti-amiante de Jussieu lors du démantèlement du porte-avions Clemenceau en est la preuve.

Cependant, une déconstruction respectueuse de l’environnement et de la sécurité des salariés peut coûter très chère. Les pays de l’Union Européenne sont donc tentés de faire démanteler leurs navires hors du périmètre communautaire, et notamment dans les pays asiatiques dans lesquels les questions environnementales et sociales sont secondaires, le démantèlement y est donc moins coûteux. L’impact des sites de démantèlement sur l’environnement est plus évident dans les pays asiatiques. Les propriétés physico-chimiques de l’eau de mer de ces pays, de leur sol et des sédiments de rivage sont particulièrement modifiées par l’activité de démantèlement. Les ONG signalent même une diminution de la végétation et de la faune sous-marine.

Les conditions précaires en matière de santé et de sécurité des travailleurs sur les sites de déconstruction asiatiques entraine des risques d’accidents très élevés et d’affections liées à l’exposition et au traitement de ces substances dangereuses. Le besoin de main d’œuvre étant particulièrement fort, celle-ci est en grande partie issue des régions les plus pauvres des pays en question, les travailleurs effectuent leur tâche le plus souvent sans contrat ni assurance maladie ou accident, et les indemnisations en cas d’accidents sont dérisoires voire inexistantes. Les nombreuses expositions aux produits dangereux pour la santé entrainent une multiplication d’affections irréversibles en cas d’absence d’équipements de protection pour les travailleurs. En 2006, selon une étude de la Cour suprême d’Inde, 16% des salariés ont été touchés par l’asbestose , à cause d’un contact prolongé avec l’amiante.

Outre l’amiante, certains produits utilisés dans la construction de navires sont considérés comme dangereux et peuvent créer une atteinte à l’environnement et à la sécurité des travailleurs s’ils ne sont pas correctement traités. La majeure partie des navires contiennent des quantités importantes de substances dangereuses telles que les huiles et boues d’hydrocarbures, le polychlorobiphényle (PCB) et les métaux lourds contenus dans les peintures et les équipements des navires. Malheureusement, la plupart des sites de démantèlement asiatiques ne disposent pas d’installations ou de dispositifs d’isolement pour éviter toute contamination des sols et des eaux par ces substances.
Les huiles et boues d’hydrocarbures se retrouvent principalement dans les soutes, les circuits. Elles sont particulièrement nocives pour les animaux et dégradent fortement le milieu marin. Les principaux modes d’exposition sont l’inhalation et la consommation d’animaux et d’eau contaminés. Les métaux lourds tels que le plomb, le mercure et le cadmium sont présents dans de nombreux produits à bord des navires. Le zinc et le cuivre sont également présents dans les peintures. Des métaux tels que le plomb peuvent entrainer, suite à une longue exposition, des troubles neurologiques, mentaux et physiques.
Parmi les PCB, on distingue les PCB liquides, facilement extirpables des PCB solides contenus dans les matériaux d’isolation, les peintures, les revêtements des ponts, les fils et câbles, qui eux, ne peuvent être retirés lors du démantèlement. Les conséquences de ces produits peuvent être désastreuses si elles se répandent dans l’environnement. Peut suivre une pollution importante des eaux côtières et des plages, ainsi que des dommages pour les écosystèmes touchés. Par ailleurs, une exposition importante aux PCB peut entrainer des maladies telles que le cancer. En considération de la dangerosité de cette matière, celle-ci est désormais interdite en Europe depuis 1987.

La mise en place d’un inventaire des matières potentiellement dangereuses est une avancée significative puisqu’elle permet de pouvoir contrôler l’utilisation de ces matières. Cependant, elle ne peut être totalement efficace si les sites de déconstruction ne contrôlent pas leurs pratiques. La gestion de l’impact d’un chantier de démantèlement sur l’environnement passe obligatoirement par le contrôle de ces installations.
Bien que ces conditions de travail inacceptables aient été dénoncées par la Cour suprême d’Inde et par des associations de protection de l’environnement et de défense des droits de l’Homme, les gouvernements de ces pays asiatiques sont réticents à faire évoluer les pratiques employées lors des démantèlements.

Le Bangladesh effectue 70% du démantèlement mondial, suivi de l’Inde qui représente à elle seule 18% du marché. Vient ensuite le Pakistan et la Chine, avec environ 3,5% du marché de déconstruction. Le Bangladesh et l’Inde sont les deux principaux acteurs du démantèlement et ont su tirer partie de ce marché.
Les activités de démantèlement du Bangladesh représentent un marché économique considérable, 70% de la matière première des aciéries et fonderies du pays est fourni par cette filière. Les chantiers les plus connus se situent à Sitakundu, près de Chittagong sur le golfe du Bengale.

Les marchés asiatiques sont beaucoup plus intéressants que les marchés européens. En effet, ils proposent une déconstruction moins chère et un rachat des matériaux plus élevé. La main d’œuvre y est très bon marché, ce qui justifie les prix attractifs de rachat. Par ailleurs, la réglementation relative à la protection de l’environnement, aux conditions de travail et à la préservation de la santé et de la sécurité des salariés est peu contraignante. Les équipements de protection individuelle et collective des salariés, la mise en place de structures efficaces de préservation de l’environnement ne sont pas obligatoires, ce qui rend le démantèlement moins coûteux et donc plus attractif.

Cependant, un démantèlement à l’étranger présente des limites concernant les questions environnementales et sociales. Par ailleurs, les techniques utilisées ne sont pas les plus adaptées ou les plus récentes, le déchirage du navire peut donc être plus long.
Les pays asiatiques utilisent le beaching comme technique de démantèlement mais elle est très polluante pour l’environnement. Il s’agit de laisser le navire s’échouer sur une plage à partir de ses propres moyens de propulsion, afin de le déconstruire. Cette méthode présente de nombreux risques pour l’environnement notamment concernant les effluents, qui en principe doivent être pompés et traités, mais la plupart du temps, la marée se charge de les évacuer, ils se retrouvent donc dans la mer. Ce processus est souvent employé par les pays asiatiques, l’exemple le plus frappant est celui de la baie d’Alang, qui s’est petit à petit transformée en terrain de démolition des navires. Alang est une ville côtière de l’Etat du Gujarat, en Inde. On y trouve la plus grande concentration de déconstruction de navires. L’Alang Ship Recycling Yard s’étend sur plus de 10 km et contient environ 150 chantiers de démantèlement de navires. Le premier site à avoir vu le jour est le chantier de d’Alang-Sosiya en 1982. Sur ce site, la présence de métaux lourds particulièrement polluants est démontrée dans les années 2000.
Les pollutions engendrées par cette technique de démantèlement sont considérables, c’est pourquoi l’Union Européenne a souhaité mettre en place des obligations plus contraignantes, telles que le nettoyage du navire avant démantèlement ou encore le désamiantage. Un nouveau règlement européen relatif au recyclage des navires, accepté par le Conseil européen le 27 juin 2013, n’aborde pas l’activité de beaching, au grand damne des associations de protection de l’environnement. En effet, ce règlement énonce que « les navires européens devront être démantelés dans des chantiers utilisant des structures fixes ». Le beaching n’est donc pas explicitement interdit.