Le droit de préemption se définit comme la « faculté conférée par la loi ou par une convention à une personne, bénéficiaire d'une option, d'acquérir, de préférence à toute autre, un bien que son propriétaire se propose de céder, en se portant acquéreur de ce bien dans un délai donné, en général aux prix et conditions de la cession projetée (à lui préalablement notifiés) » (Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 7ème édition)

Dans les zones rurales, ce sont les SAFER (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) qui disposent d’un droit de préemption spécifique.

I. Présentation des SAFER

Les SAFER sont des sociétés anonymes, sans but lucratif. Elles sont placées sous la tutelle des ministères de l’Agriculture et des Finances et exercent des missions d’intérêt général.

Il existe aujourd’hui 26 SAFER dont 3 dans les DOM.

Elles ont pour objectif de dynamiser l’agriculture et les espaces forestiers, de favoriser l’installation des jeunes, de protéger l’environnement, les paysages et les ressources naturelles et d’accompagner le développement de l’économie locale.

Elles ont été créées par la loi d’orientation agricole du 5 août 1960. Elles avaient alors comme objectifs initiaux de réorganiser les exploitations agricoles, afin de mettre en place une agriculture plus production et de favoriser l’installation des jeunes agriculteurs. Au fil des années, les missions des SAFER se sont élargies afin d’intégrer des préoccupations environnementales et de développement durable.

De ce fait, les SAFER agissent donc pour la protection des terres agricoles, tout en respectant l’environnement et en participant au développement de l’économie locale et ce pour de multiples raisons : les terres agricoles servent à produire des denrées alimentaires, elles sont également des vecteurs d’emplois. De plus, pour une protection efficace de l’environnement, de la qualité de l’eau et de la biodiversité, qui sont désormais des préoccupations au centre de notre société, il est nécessaire de pratiquer une agriculture raisonnée.

C’est donc pour remplir ces différentes missions que la SAFER est titulaire d’un droit de préemption.

II. L’exercice du droit de préemption par les SAFER.

Le droit de préemption des SAFER a été instauré dès 1962 par la loi du 8 août complémentaire à la loi d’orientation agricole de 1960, il a été élargi aux objectifs environnementaux par la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999.

Tout d’abord, pour pouvoir utiliser cette faculté, la SAFER concernée doit être titulaire d’une décision administrative l’autorisant à préempter. Cette décision prend la forme d’un décret attributif de préemption. Il est généralement attribué pour une durée de 5 ans, renouvelable.

Ce décret détermine les zones dans lesquelles la SAFER est habilitée à préempter ainsi que la surface minimale de vente au-delà de laquelle ce droit s’applique.

Le bien mis en vente doit répondre à certaines conditions afin de pouvoir être préempté.

A cet égard, il convient de signaler que le seul caractère onéreux de l’aliénation suffit à ouvrir un droit de préemption, conformément à l’article L.143-1 du Code rural. Sont exclus du droit de préemption des SAFER les baux à nourriture, les ventes de démembrements du droit de propriétaires ou encore les échanges soumis au Code rural.

Sont concernés à la fois les immeubles bâtis (bâtiments d’exploitation et d’habitation s’ils ont une affectation agricole effective au jour de la vente projetée) et non bâtis, à condition qu’ils aient une vocation agricole, conformément aux exigences de l’article L.143-1 du Code rural (immeubles non bâtis affectés, au jour de la vente, à l’exercice d’une activité agricole, terrains à vocation agricole).

Concernant les surfaces boisées, l’article L.143-4 6° du Code rural prévoit que ces dernières peuvent être préemptées dès lors qu’elles sont vendues avec d’autres parcelles non boisées.

Normalement, les dimensions du bien concerné importent peu dès lors que l’immeuble non bâti constitue un bien juridique soumis au droit de préemption (au sens de l’article L.143-1 al.1er du Code rural). Cependant, le décret attributif de droit de préemption peut fixer un seuil de préemption. Toutefois, pour les zones agricoles, ce seuil est abaissé à 0.

L’opération de préemption réalisée par la SAFER doit poursuivre l’un des objectifs prévus par l’article L.143-2 du Code rural, à savoir : installation, réinstallation ou maintien d’agriculteurs, agrandissement et amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, préservation de l’équilibre des exploitations compromis par l’emprise de travaux publics, sauvegarde du caractère familial de l’exploitation, lutte contre la spéculation foncière, conservation d’exploitations viables existantes compromise par la cession séparée des terres et des bâtiments d’habitation ou d’exploitation, mise en valeur et protection de la forêt, amélioration des structures sylvicoles, mise en valeur des paysages et protection de l’environnement.

Tous les projets de vente de fonds agricoles ou de terrains à vocation agricole doivent être notifiés à la SAFER. Les opérations exemptées du droit de préemption doivent tout de même lui être déclarées.

Cette notification intervient soit par exploit d’huissier, soir par lettre recommandée avec accusé de réception, deux mois avant la date envisagée pour la réalisation de la cession.

A compter de cette notification, la SAFER dispose alors d’un délai de 2 mois pour préempter aux conditions stipulées dans l’offre. Dans l’hypothèse où la SAFER garde le silence durant ce laps de temps, elle est alors considérée comment ayant renoncé à son droit de préemption, le vendeur est alors libre de conclure l’opération avec l’acquéreur de son choix. La SAFER peut également renoncer explicitement à son droit de préemption, accepter purement et simplement l’offre de vente telle qu’indiquée dans la notification de préemption ou alors faire une nouvelle offre d’achat, en proposant un nouveau prix. Dans ce cas, le vendeur peut soit accepter le prix proposé par la SAFER, doit retirer son bien de la vente, soit saisir le tribunal qui va procéder à la fixation judiciaire du prix.

III. Le contentieux du droit de préemption des SAFER

Il est des situations où la SAFER n’a pas connaissance de certaines opérations de vente de biens à vocation agricole, du fait d’un oubli de la part du vendeur ou du notaire en charge de la vente. Il arrive également que la SAFER soit informée mais que la vente soit réalisée au mépris de son droit de préemption, notamment lorsque le vendeur ne respecte pas les délais impartis.

Dans cette hypothèse, la SAFER dispose alors d’un délai de 6 mois pour agir, ce délai commençant à courir à compter du jour où elle a connaissance de la vente (Civ. 3ème 12 janvier 1994) : cette forclusion fondée sur la connaissance de la date de la vente suppose donc que l’obligation de notifier la vente au titulaire du droit de préemption a bien été effectuée.

La méconnaissance du droit de préemption de la SAFER est sanctionnée soit par la nullité de la vente avec substitution, soit par la nullité de la vente sans substitution.

La sanction de la nullité avec substitution intervient dans les cas prévus par l’article L.412-10 du Code rural, c’est-à-dire dans l’hypothèse où l’aliénation a eu lieu avant l’expiration du délai de préemption, à un prix ou à des conditions de paiement différents de ceux demandés au titulaire du droit de préemption ou dans des conditions tendant à l’empêcher d’acquérir. Cela suppose donc que l’obligation de notification du projet de vente à la SAFER a été respectée.

La nullité sans substitution est, quant à elle, prévue par l’article L.412-12 du Code rural. Elle concerne les cas de violation du droit de préemption non visés à l’article L.412-10 du Code rural, notamment le non-respect de l’obligation de notification du projet de vente.

Pour conclure, il convient de signaler que certaines personnes sont titulaires d’un droit de préemption qui va être prioritaire sur celui de la SAFER, tel est le cas par exemple du fermier occupant le bien destiné à la vente depuis plus de 3 ans, ou encore tous les droits de préemption publics, tels que prévus par les articles L. 143-6 (droit de préemption de l’Etat, des collectivités publiques et des établissements publics).