
Le fonctionnement des Certificats d'économies d'énergie (CEE) :
Par Aude COSNIER
Juriste environnement et urbanisme Aeroports de Paris
Aeroports de Paris (ADP)
Posté le: 11/07/2013 15:28
I. Le principe des CEE :
Comme l'ensemble des Etats Membres de l'UE Européenne, la France doit atteindre d'ambitieux objectifs concernant la production et l'utilisation des énergies. Il s'agit des ''fameux'' 3 x 20 :
- 20 % d'émissions de GES par rapp à 1990;
20 % d'ENR dans la conso° d'énergie finale;
Baisse de 20 % de la conso° d'énergie par rapport à un scénario tendanciel d'ici à 2020.
Souhaitant aller au-delà de ces chiffres, notre pays s'est lui-même fixé des objectifs encore plus ambitieux pour 2020, à savoir : 23 % d'EnR dans la consommation FINALE d'énergie (selon le Plan National d'Action en faveur des EnR), - 23,1% de GES par rapport à 1990 et jusqu'à 38 % de consommation d'énergie en moins dans les bâtiments existants (objectif fixé par le Grenelle 2, par rapport à l'année 2010). A ces objectifs pour 2020, s'ajoute celui de diviser au moins par un facteur de 4 ses émissions de CO2 et de GES d'ici à 2050. Pour atteindre de tels objectifs, une relance conséquente et immédiate des économies d'énergie est impérative, notamment dans nos usages quotidiens (logements, bureaux, commerces et transport) très d'énergivores et en forte croissance. Et bien que de nombreuses techniques existent aujourd'hui pour réaliser d'importantes économies d'énergie, celles-ci sont peu connues et rarement mises en œuvre spontanément, un constat d'ailleurs confirmé dans les travaux des actuels débats sur la transition énergétique. Pourtant, il existe en France depuis 2005, un mécanisme fortement incitatif en faveur de l'efficacité énergétique : les certificats d'économies d'énergie (CEE). Créés, sur le modèle des quotas d'émissions de GES, afin de sensibiliser et responsabiliser les utilisateurs d'énergie, qu'il s'agisse de citoyens, entreprises, associations, collectivités, etc.; ce dispositif a également l'avantage de compléter des instruments existants (réglementation, fiscalité...) tout en limitant les dépenses publiques.
L'idée fondatrice est qu'une information ciblée et des actions porteuses, si elles étaient promues par les acteurs même du marché de l'énergie, inciteraient facilement les consommateurs à investir dans des équipements et procédés économes en énergie, notamment en optimisant l'ensemble de leurs pratiques dans le logement, le bâtiment, les transports…. Et dans ces domaines, ainsi que le démontrent plusieurs études et notamment celle de l'ADEME, d'importantes économies d'énergies sont aisément réalisables. Il existe en effet des appareils électroménagers efficaces (classe A+) qui consomment jusqu'à deux fois moins d'énergie. De même, l'utilisation de vitrages isolants peut permettre d'économiser 7 % de l'énergie consommée pour le chauffage, l'installation d'une chaudière efficace, l'isolation des murs ou de la toiture permettent chacun d'économiser en moyenne 15% d'énergie. Autant de technologies qui sont promues par les certificats d’économies d’énergie, aussi appelés "certificats blancs". Les anglais ont été les premiers à mettre en place de tels certificats, dès 2002, suivis par l'Italie, le Danemark, l'Irlande et la France. D'autres pays Européens (notamment la Pologne) y réfléchissent actuellement.
En ce qui concerne les CEE français : ils ont été créés par les articles 14 à 17 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (dite loi POPE). Celle-ci, oblige les fournisseurs d’énergie (électricité, gaz, chaleur, froid, fioul domestique) à réaliser des économies d’énergie sur une période donnée, en entreprenant différentes actions auprès des consommateurs. Ces fournisseurs, appelés "obligés", ont l’obligation de réduire leurs consommations d’énergie en réalisant, au choix, des économies sur leurs propres installations, des économies par la sensibilisation ou l'incitation financière de leurs clients ou encore en achetant des CEE revendus sur le marché. Au cours d'une première période (2006-2009), les obligations d'économie d'énergie portaient sur les fournisseurs entendu dans un sens assez large, à savoir : les fournisseurs d’électricité, de gaz, de chaleur ou de froid par réseaux (au-delà d’un certain seuil de vente en GWh/an), et les vendeurs de fioul domestique, dès le 1er litre de fioul vendu. Suite à la loi Grenelle II, au cours d'une 2ème période (2011-2013), les obligations d’économies d’énergie ont été étendues aux vendeurs de carburants automobiles, si leurs ventes annuelles dépassent un certain seuil.
D'autres acteurs, appelés « éligibles », peuvent quant à eux émettre une demande de CEE suite à une action qu'ils ont réalisée et qui a permis des économies d'énergie ou la substitution d'une source d'énergie non renouvelable par une source issue d'EnR. Il peut par exemple s'agir de l'organisation de projets en faveur de l'efficacité énergétique. Au cours de la 1ère période, étaient éligibles (à condition que leurs opérations d’économies d’énergie n’entrent pas dans le champ de leur activité principale et ne leur procurent pas de recettes directes) : les obligés eux-mêmes, les collectivités publiques et l’ensemble des personnes morales. Toutefois, la très lourde charge administrative constatée, ainsi que les risques de doubles comptages, ont conduit à limiter la liste des éligibles, au cours de la deuxième période, aux seuls obligés eux-mêmes auxquels s'ajoutent les collectivités publiques, l'ANAH (l'Agence nationale de l'habitat), les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux. Et pour limiter le nombre de demandes à traiter, chaque dossier de demande doit dépasser la valeur seuil de 20 millions de kWh d'énergie finale CUMAC (soit 20 GWh d'énergie finale cumac). Pour atteindre ce minimum, des regroupements de personnes morales sont envisageables.
Il faut préciser que les CEE sont comptabilisés en kWh CUMAC d’énergie finale économisée : on calcule en quelque sorte ce qui aurait été consommé si rien n'avait été mis en place pour économiser de l'énergie. L’abréviation CUMAC provient de la contraction de « cumulé » et « actualisés » car le kWh est ramené à la durée de vie du produit, actualisé au regard du marché. C'est un instrument de mesure commun à tous les types d'énergie qui permet de comparer des mesures qui font économiser beaucoup tout de suite et des mesures qui font économiser peu mais sur une longue durée.
II. Les modalités d’obtention des certificats d’économies d’énergie :
L'objectif des CEE est de permettre de valider les économies d'énergies dues à des actions ADDITIONNELLES du consommateur d'énergie vis-à-vis d'une part de la réglementation déjà en vigueur (par exemple imposant de réduire ses émissions de CO2 et GES) et d'autre part de son activité habituelle. De plus, ne peuvent donner lieu à délivrance de CEE, ni les économies d'énergie réalisées dans les installations classées visées à l'article L. 229-5 du code de l'environnement ne celles résultant exclusivement de la substitution entre combustibles fossiles ou du respect de la réglementation en vigueur à une date de référence fixe.
Les CEE sont des biens meubles négociables qui, à ce titre, peuvent être détenus, acquis ou cédés par toute personne morale. Ils s'intègrent dans un système économique autorégulé (théoriquement au moins) par un système d'«offre / demande» dans lequel l'État n'intervient pas. Il donc s'agit d'un transfert financier entre les seuls fournisseurs (obligés) et consommateurs d'énergie. Le prix des CEE est régulièrement publié sur un registre national des ventes, afin de rendre compte de l'état du marché. Leur prix moyen constaté lors de la première période était de 0,004 € / kWh cumac... soit autour de 4 € par MWh.
Une grande liberté est laissée aux vendeurs d'énergie pour choisir les actions qu'ils vont entreprendre pour remplir leurs obligations: ils peuvent amener leurs clients à réaliser des économies d'énergie en leur apportant des informations sur les moyens à mettre en œuvre, avec des incitations financières en relation avec des industriels ou des distributeurs : prime pour l'acquisition d'un équipement, aides aux travaux, service de préfinancement, diagnostic gratuit. Le champ des initiatives s'avère large et ouvert. En contrepartie du constat des investissements effectués par les consommateurs grâce à ces actions, les vendeurs d'énergie reçoivent, par l'intermédiaire des vendeurs de matériel ou des maitres d'ouvrage ayant réalisé les travaux, des certificats sur la base de forfaits en kWh calculés par type d'action. Autre possibilité laissé aux obligés : celle de réaliser des économies d'énergie dans leurs propres bâtiments et installations, à condition que ces sites ne soient pas déjà soumis à des exigences au titre de la réglementation sur les quotas d'émission de GES. Enfin, les vendeurs d'énergie peuvent également choisir d'acheter, si cela s'avère moins coûteux, des CEE auprès d'autres acteurs comme les collectivités territoriales et/ou les bailleurs sociaux (dits « éligibles ») qui auront eux-mêmes obtenu des certificats en fonction des kWh économisés grâce aux actions qu'ils ont mis en œuvre.
Il faut par contre que l'impact de leur action soit mesurable. Pour cela, il convient de se référer à l'article 2 du décret n° 2010-1664 du 29 décembre 2010 relatif aux CCE pour connaitre les deux grandes catégories d'actions qui ouvrent droit à la délivrance de certificats :
La 1ère catégorie d'action est la contribution, par les obligés comme par les éligibles, à des programmes de réduction de la consommation énergétique des ménages les plus défavorisés ou à des programmes d'information, de formation et d'innovation en faveur de la maîtrise de la demande énergétique. Ces programmes sont définis par arrêtés du ministre de l'énergie.
La 2nde catégorie d'action est la réalisation d'opérations d'économies d'énergie. Il en existe 2 sortes (= 2 sous catégories) :
--> Les opérations standardisées d'économies d'énergie. Définies par arrêtés du ministre chargé de l’énergie (en date du 19 juin et 19 décembre 2006 et 22 novembre 2007), elles correspondent à des opérations couramment réalisées pour lesquelles une valeur forfaitaire de CEE à attribuer a été définie.
--> Et les opérations spécifiques d'économies d'énergie, aussi appelées « opérations hors standards » qui ne sont pas définies par arrêtés et pour lesquelles une valeur forfaitaire des CEE n'a pas pu être définie par avance puisqu' il s'agit d'opération complexes car souvent en relation avec les procédés industriels. Ces opérations présentent cependant un potentiel d'économies d'énergie très important. Dans ce type d'opération, il est conseillé de faire appel à des sociétés spécialisées dans l'efficacité énergétique afin qu'elles réalisent un audit de faisabilité permettant d'identifier les économies d'énergie permises par ces opérations hors standards.
Pour l'ensemble de cette 2nde catégorie d'action la justification du rôle actif et incitatif du demandeur est un des points essentiels des demandes de certificats. Elle doit être clairement établie, prouvée ce qui n'est pas toujours aisé. Afin de définir plus clairement quels procédés et équipements sont éligibles à la délivrance de certificats, la Direction Générale de l’Energie et du Climat, l’ADEME et l’ATEE (Association Technique Énergie Environnement) ont élaboré un catalogue public de fiches standardisées décrivant les différentes actions (consultable sur le site internet de la DGEC). Ces fiches à caractère réglementaire appelées "fiches d’opérations standardisées d’économies d’énergie" précisent, pour chaque opération, notamment, les conditions de délivrance des certificats et le montant forfaitaire de certificats à délivrer. Elles se répartissent en 6 secteurs : 1. les bâtiments résidentiels, 2. les bâtiments tertiaires, 3. l’industrie, 4. le secteur des réseaux (chaleur/froid, éclairage extérieur et électricité), 5. Les transports et enfin 6. l’agriculture). Par ailleurs, le bénéfice du dispositif est élargi aux énergies renouvelables pour le chauffage dans les bâtiments, sous certaines conditions et lorsque l'usage de ces EnR vient se substituer aux énergies fossiles.
Dans tous les cas, la demande de délivrance d'un CEE est adressée au préfet du département du siège du demandeur. Lorsque l'action au titre de laquelle la délivrance de CEE est demandée peut être invoquée par un ou plusieurs demandeurs, une convention doit être établie entre les parties afin de fixer la répartition des certificats entre elles. Cette convention doit impérativement être jointe au dossier de demande de certificats.
Pour conclure, il faut savoir que les personnes qui n'ont pas pu obtenir les CEE nécessaires pour respecter la loi, une fois la fin d'une période échue, doivent verser au Trésor Public une pénalité de 0,02 € par kWh d'énergie finale CUMAC non certifié (à noter qu'un CEE est valable à compter de la période à laquelle il a été enregistré et pendant les deux périodes triennales suivantes). à noter que ce versement obligatoire comme les pénalités qui peuvent l'accompagner ne sont pas déductibles. Cette sanction ne peut être prononcée qu'après mise en demeure et en considération notamment de la situation de l'intéressé et de la gravité du manquement.