I. L'adoption d'un instrument juridique de protection de la biodiversité

A partir de 1988, des groupes d'experts du PNUE partant du constat que la biodiversité s'appauvrissait dans des proportions alarmantes, commencent à élaborer un texte conduisant ainsi à la ratification de la Convention sur la diversité biologique, adopté le 22 mai 1992. Ouverte à la signature le 5 juin 1992 lors de la Conférence des Nations Unies, la CDB est entrée en vigueur le 29 décembre 1993.

La CDB constitue le seul instrument international complet marquant ainsi un tournant dans le droit international. En effet, elle reconnait pour la première fois que la conservation de la diversité biologique est considérée comme « une préoccupation commune à l'humanité » dont les états sont responsables. La CDB fait ainsi partie intégrante du processus de développement sur la diversité biologique en définissant un cadre juridique à travers la mise en place de trois objectifs : la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments constitutifs et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques. Le dernier objectif concerne directement la régulation des comportements dits de biopiraterie et se trouve mis en œuvre dans le corps de la Convention, principalement dans ses articles 8(j) 15 et 16.

La conservation de la diversité biologique constitue le premier objectif de la Convention sur la Diversité Biologique.

Le deuxième objectif est l'utilisation durable des éléments de la biodiversité. D’une part, il vise l'utilisation des éléments constitutifs de la diversité biologique d'une manière et à un rythme qui n'entraînent pas leur appauvrissement à long terme et qui sauvegardent ainsi leur potentiel pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures. La gestion durable est la volonté de protéger l'environnement dans un but intéressé : les utiliser au mieux afin de ne pas à manquer demain. A travers la CDB, ces deux objectifs ressortent par la nécessité pour les parties d'élaborer des plans ou programmes nationaux afin d'assurer la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique. Ces objectifs ressortent également par la volonté de réappropriation du naturel par les communautés locales notamment via l’article 8 j) de la Convention qui stipule que les états doivent respecter, maintenir et préserver les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui présentent un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité. L’objectif de la CDB réside dans la protection juridique de la biodiversité ainsi que les savoirs traditionnels qui lui sont liés. Les connaissances traditionnelles sont ainsi reconnues comme nécessaire au développement durable et à la conservation de la biodiversité.

D’autre part, l’utilisation durable des éléments de la diversité biologique passe par le droit souverain que les Etats ont d’exploiter les ressources biologiques se situant sur leur territoire et selon leurs politiques environnementales. Considérée comme un acquis essentiel du pays détenteur des ressources génétiques, la consécration de ce principe par la CDB intervient suites aux revendications de ces derniers qui ne souhaitaient plus voir le principe de patrimoine commun de l’humanité (PCH) régir l’accès à leurs ressources génétiques. La raison principale invoquée était que les ressortissants des pays riches réclamaient des DPI sur des innovations effectuées sur la base des ressources originaires des Pays en voie de développement (PED). Ce qui avait pour effet de limiter leur accès aux résultats de ces innovations dû aux DPI sur ces innovations qui avaient auparavant fait l’objet d’un accès libre ou facilité en vertu du principe du PCH. La CBD vient ainsi rompre la pratique qui considérait les ressources vivantes comme « héritage commun de l'humanité ». L’affirmation de la souveraineté des Etats sur leurs ressources naturelles implique par conséquent leur souveraineté sur les savoirs traditionnels qui leur sont associés.

Le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques. La CDB impose dans son article 15 certaines conditions fondamentales en matière d’accès et de commercialisation des ressources génétiques. Désormais, le pouvoir de réglementer l’accès aux ressources génétiques appartient au gouvernement, régi par la législation nationale. En effet, pendant longtemps l’accès aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels associés à ces ressources était libre. Il n’y avait pas d’obligation au niveau international de rétribuer les communautés autochtones ou locales pour l’utilisation de leurs savoirs.

Désormais en vertu de l'article 15 de la CDB, « chaque Partie à la Convention créer des conditions de nature à faciliter l'accès aux ressources génétiques à des fins d'utilisation écologiquement rationnelle par d'autres parties ». L'autorisation d'accès est régie par « des conditions convenues d’un commun accord » et « est soumis au consentement préalable donné en connaissance de cause de la Partie contractante qui fournit lesdites ressources ». En outre, chaque État est tenu de prendre les mesures nécessaires « pour assurer le partage juste et équitable » des résultats de la recherche et de la mise en œuvre des avantages résultant de l’utilisation commerciale des ressources génétiques selon les modalités mutuellement convenues.

Ensuite, dans son article 16, la CDB a fait du transfert de technologie un élément essentiel de la réalisation de ses objectifs et prévoit que le brevet et les autres droits de la propriété intellectuelle doivent s’exercer en faveur et non à l’encontre des objectifs de la convention et notamment du transfert des technologies vers les pays en développement qui doivent y avoir accès à des conditions préférentielles.

II Un instrument dépourvu de caractère contraignant

La CDB s’est avérée insuffisamment précise et injonctive pour que des résultats tangibles puissent être obtenus en matière d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages et ce, pour deux raisons. D'une part, la CDB contient des termes trop vagues quant au dispositif organisationnel susceptible de mettre en pratique le système qu’elle prévoit. D'autre part, les pays industrialisés ne se sont pas sentis liés et n’ont pas adopté de mesures significatives en faveur d’un partage effectif des avantages. En effet, malgré l'entrée en vigueur de la CDB dans 193 États Parties, dont l'Union-Européenne et ses 27 membres à l’exception notable des États-Unis, le partage des avantages a peu été mis en œuvre. Sur les 193 États Parties, seulement 60 pays ont mis en place des législations spécifiques relatives à l'Accès et partage des avantages et à ce jour, la France n'a toujours pas adopté de législation APA. La majorité des pays ne faisant preuve de peu de détermination dans son application et dans la lutte pour la sauvegarde de la biodiversité Celles-ci se sont avérées insuffisantes, notamment du fait de l’absence de règles internationales permettant de garantir le respect de ces législations par les utilisateurs étrangers.

Plus de 10 ans après l'adoption de la CDB, les pays fournisseurs estimaient ne pas tirer suffisamment profit des retombées découlant de la valorisation de leurs ressources et connaissances traditionnelles par les industries utilisatrices, et déclaraient faire l'objet d'actes de biopiraterie. Quant aux utilisateurs, ils déploraient un cadre juridique incertain et peu transparent dans les pays fournisseurs. De plus, la CDB étant une convention-cadre, elle ne jouit pas d’effet direct et demandait alors à une concrétisation par des normes secondes. Le Protocole de Nagoya est ainsi venu instaurer sur la base de la Convention, des outils de protection à la diversité biologique.