
Le changement d'environnement du salarié: la clause de mobilité.
Par Karen PASCAL
Chargée de mission Garantie Technique Homologation Environnement
Nissan West Europe
Posté le: 02/06/2013 18:52
Le contrat de travail, est l'instrument stratégique dans une relation de travail et est le lieu de rencontre des volontés, mais c'est aussi selon Antoine Jamot « un surcroit de ressources juridiques d'actions unilatérale ».
Le contrat est un masque du pouvoir unilatéral, car en pratique c'est l'employeur qui dicte le contrat, grâce à l'insertion de clauses particulières qui vont obliger le salarié à plus d'énergie et de travail (clause de résultat), ou encore qui vont le forcer à « bouger » et à changer d'environnement (clause de mobilité).
Dans le monde du travail, le terme de flexi-sécurité pour dire qu'au fond, l'employeur a besoin de salarié performant et mobile, est courant. Afin de correspondre à ce besoin, les parties peuvent convenir d'insérer dans le contrat de travail, une clause par laquelle l'employeur se réserve la possibilité de muter le salarié suivant les besoins de l'entreprise. Une telle clause revient à faire du lieu de travail, un élément non substantiel, non essentiel, une simple condition du travail et les conditions du travail peuvent être changées par l'employeur unilatéralement !
La clause de mobilité répond donc à des besoins contemporains car nous ne sommes plus dans un système où le salarié fait toute sa carrière dans la même entreprise.
Lorsqu'il y n'y a pas de clause de mobilité, le principe est que le salarié peut être amené à changer de lieu de travail mais seulement dans le même « secteur géographique ». Cette notion jurisprudentielle correspond à une région mais on pourrait soutenir que le secteur géographique est délimité par le périmètre au-delà duquel le salarié devrait déménager pour se rendre quotidiennement à son travail. Sans clause de mobilité, le consentement du salarié est obligatoire s'il s'agit de le sortir de son secteur géographique.
Rq : Ne pas confondre la mutation et le déplacement temporaire.
1. La licéité de principe des clauses de mobilité.
Le principe de la clause de mobilité est licite puisqu'on se fonde sur l'article 1134 du Code civil sur la liberté des conventions.
Ainsi, le salarié est en principe tenu de respecter cette mesure qui relève du pouvoir de direction de l'employeur. Un arrêt du 7 octobre 1997 dit que « lorsqu'une clause de mobilité est inscrite dans un contrat de travail, le changement d'affectation du salarié ne constitue pas une modification du contrat mais un simple changement des conditions du travail et le refus du salarié de rejoindre sa nouvelle affectation constitue en principe une faute grave ».
L'application d'une clause de mobilité est valable si elle intervient exclusivement dans l'intérêt de l'entreprise, qu'elle est justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché et ce, afortiori, lorsqu'elle met en cause le droit à une vie familiale normale et le libre choix du domicile (CA Poitiers ch soc. 4 avril 2006 et 21 juin 2005).
La clause de mobilité est donc la « stipulation par laquelle un salarié accepte à l'avance que son lieu de travail puisse être modifié, et donc d'exercer ses fonctions dans les différents établissements, agences et succursales où l'entreprise déciderait de le muter ».
En refusant la mutation géographique, le salarié risque d'être licencié pour faute grave. Sauf à démontrer un éventuel abus de l'employeur.
2. Les réserves à la licéité.
Il y en a de plusieurs types de réserve, car si le contrat comporte une clause de mobilité, le salarié conserve tout de même une petite marge de manoeuvre quant à son application :
D'abord une jurisprudence bien établie décide que, pour que la clause de mobilité soit valable, il faut qu'elle soit claire et lisible et en particulier, dans ses limites géographiques.
Ex: la clause de mobilité doit préciser si le salarié peut se voir imposer un départ à l'étranger. Un arrêt du 12 janvier 1999 a précise que si la clause n'était pas claire, elle serait sans force obligatoire. Ainsi, un salarié peut contester judiciairement ce type d'abus et la jurisprudence exige désormais une rédaction précise des clauses de mobilité. La clause englobant n'importe quelle filiale d'un groupe en France ou à l'étranger n'est plus nécessairement valide, car le salarié doit être assuré des limites de sa mobilité au moment où il s'engage.
Il est essentiel de bien négocier la portée de la clause au moment de l'embauche.
L'employeur aura légitimement droit d'user de la clause de mobilité prévu dans un contrat de travail en cas d'expension de son activité, mais il est indispensable qu'il définisse de manière précise la zone géographique d'application de la clause pour permettre au salarié de connaître le périmètre de son obligation. Le dirigeant et le collaborateur ne doivent pas oublier de vérifier la convention collective qui peut prévoir des conditions particulières de mise en oeuvre de la clause. Si la clause de mobilité existe dans la convention collective, elle peut parfaitement être valable à la condition que le salarié ait connaissance de l'existence de la convention et qu'il a pu avoir connaissance de celle ci.
Une seconde réserve est liée au principe de faveur : le principe est que lorsque plusieurs sources de droit sont applicables c'est la source la plus favorable au salarié qui s'applique et la Cour de cassation a fait jouer ce principe à plusieurs reprises en présence d'une clause de mobilité moins favorable qu'une convention collective. En particulier, la Cour de cassation valide le refus du salarié d'accepter une mobilité qui lui aurait fait perdre le bénéfice d'une convention collective stipulée dans son contrat.
Ex: la mise en oeuvre d'une clause de mobilité ne peut pas être imposée au salarié lorsqu'elle entraîne une réduction de sa rémunération.
Une troisième réserve peut être relevée: la mise en oeuvre abusive de la clause de mobilité : L'abus de droit est constitué soit dans la mise en oeuvre d'un droit soit avec intention de nuire, soit dans le détournement du droit de sa fonction sociale. Ex: le caractère intempestif de la mise en oeuvre de la clause.il faut donc que soit respecté, un délai minimal.
L'employeur doit laisser au salarié qui accepte une mutation un délai suffisant pour qu'il puisse s'organiser sur les plans tant professionnel que personnel. Un délai légal a été fixé mais la jurisprudence iréclame des délais raisonnables d'au moins huit jours. La situation familiale du salarié doit aussi être prise en compte. Mais rien ne l'oblige à indemniser les frais qu'entraîne la mobilité (transports, déménagement) sauf si la convention collective le prévoit.
L'employeur doit en principe préciser par écrit au salarié son nouveau lieu de travail, mais il doit en revanche éviter d'établir un avenant sur ce point : un avenant suppose que le salarié doit donner son accord pour une nouvelle affectation.