Tout d’abord il convient d’étudier le régime nouveau institué par la loi Grenelle II en matière de reporting environnemental en France (I), avant de voir si les mêmes obligations ont été consacrées dans le régime juridique italien (II).



I. Le régime de l’information environnementale en France


Voyons d’abord l’évolution législative française (A) avant d’analyser les obligations posées par son décret d’application (B).


A. L’évolution législative française

En France, la transparence et la responsabilité sont les axes majeurs institués par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle II. Mais le reporting environnemental n’est pas une nouveauté instaurée par cette loi. En effet, la loi du 15 mai 2001 sur les Nouvelles Régulations Economiques avait introduit dans l’article L. 225-102-1 du Code de commerce l’obligation d’intégrer au rapport annuel d’une société, présenté par le conseil d’administration ou le directoire, relatif à l’impact social, territorial et environnemental de son activité (incluant les sous-traitants et les autres entreprises du groupe) et plus précisément « des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ».

La Loi Grenelle II est venue renforcer cette obligation. Elle définit les entreprises concernées, le contenu des informations sociales et environnementales qui doivent figurer dans le rapport annuel et le contrôle susceptible de s’exercer sur ces informations. Comme le souligne Gilles J. Martin, « c’est sans doute la première fois qu’une loi authentiquement « environnementale » consacre l’un de ses chapitres à l’entreprise, considérée non en sa seule qualité d’exploitant d’une installation dangereuse ou polluante, mais en sa qualité d’acteur économique tenu à certaines obligations de transparence et de responsabilité en matière sociale et environnementale ». On verra que le législateur français institue un régime alliant obligation et volontariat.

L’alinéa 6 de l’article L. 225-102-1 détermine les sociétés concernées, soit les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché règlementé, mais aussi désormais les sociétés non cotées, « dont le total de bilan ou le chiffre d’affaires et le nombre de salariés excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d’Etat ». Il y a donc une généralisation de l’obligation d’information environnementale car elle concerne désormais des entreprises de divers secteurs. Cette nouveauté apportée par la loi Grenelle II doit être vue d’un bon œil car en matière environnementale les risques sont davantage liés à la nature de l’activité exploitée qu’à la forme juridique de la société.

Une avancée significative est donc à prendre en compte avec la loi Grenelle II du 2010 qui renforce les dispositions de la loi Grenelle I sur la responsabilité environnementale des sociétés et instaure un régime de transparence environnementale. Les sociétés françaises ont désormais l’obligation d’informer les parties prenantes (stakeholders) de la société civile sur les conséquences environnementales de leurs activités en diffusant des données et des engagements dans ce domaine. Pour ce faire, les données récoltées dans la réalisation du bilan environnemental sont divulguées à l’extérieur de la société sous forme de rapport environnemental (reporting ou report environnemental). Est ainsi réalisé un document public destiné à communiquer aux stakeholders la direction entreprise par la société s’agissant de l’environnement. Le rapport annuel de gestion est publié au Registre du Commerce et des Sociétés, et devient ainsi un vecteur de la transparence dépassant la seule communication interne, et donc une publicité pour ceux qui veulent aller rechercher l’information (Françoise Le Fichant).

Bien que la loi Grenelle II, dans son article 225, renforce le report sur le développement durable, cette obligation n’est toujours pas sanctionnée. L’innovation de la loi Grenelle II concerne surtout les indicateurs de RSE qui doivent être homogènes afin de rendre possible des comparaisons en sociétés. Alors que dans la loi NRE le report concernait exclusivement la société-mère, avec la loi Grenelle II l’obligation s’étend à toutes ses filiales, et ouvre une possibilité de certification. Le champ d’application du report est aussi élargi puisqu’il comprend désormais les sociétés non-cotées. On a donc désormais un support comptable pour l’information environnementale.


B. Les précisions apportées par le décret RSE

Toutefois, le décret d’application n° 2012-557 intervenu le 24 avril 2012, apporte des modifications successives pour l’application de l’article 225 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement et de l’article 12 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives, qui ont modifié l’article L. 225-102-1 du Code de commerce concernant les assemblées d’actionnaires et le contenu de leur rapport.

Le décret RSE n° 2012-557, s’agissant des informations à mentionner dans le rapport de gestion, s’applique pour les sociétés cotées, aux exercices ouverts après le 31 décembre 2011 ; pour les sociétés non cotées dont le total du bilan ou le montant net du chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros et dont le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice est supérieur à 5000, aux exercices ouverts après le 31 décembre 2011 ; pour les sociétés non cotées dont le total du bilan ou le montant net du chiffre d’affaires dépasse 400 milliards d’euros et dont le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice est supérieur à 2000, aux exercices ouverts après le 31 décembre 2012 ; pour les sociétés non cotées dont le total du bilan ou le montant net du chiffre d’affaires dépasse 100 millions d’euros et dont le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice est supérieur à 500, aux exercices ouverts après le 31 décembre 2013.

L’article R. 225-105-1 du Code de commerce modifié définit les informations que le conseil d’administration et le directoire de la société doivent insérer dans le rapport de gestion. S’agissant des informations environnementales, l’alinéa 1.2, prévoit l’insertion d’informations concernant la politique générale en matière d’environnement, notamment l’organisation adoptée par la société pour la prise en compte des questions environnementales et, le cas échéant, les démarches d’évaluation ou de certification en matière d’environnement, ainsi que les actions de formation et d’information des salariés menées en matière de protection de l’environnement, enfin les moyens consacrés à la prévention des risques environnementaux et des pollutions ; mais aussi des informations sur la pollution et la gestion des déchets avec les mesures adoptées par les sociétés concernant la prévention, la réduction ou la réparation de rejets dans l’air, l’eau et le sol affectant gravement l’environnement, les mesures de prévention, de recyclage et d’élimination des déchets et la prise en compte par la société des nuisances sonores et de toute autre forme de pollution spécifique à une activité ; mais encore l’insertion d’informations sur l’utilisation durable des ressources, notamment la consommation d’eau et l’approvisionnement en eau en fonction des contraintes locales, la consommation de matières premières et les mesures prises pour améliorer l’efficacité dans leur utilisation, la consommation d’énergie, les mesures prises pour améliorer l’efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables ; des informations sur le changement climatique doivent aussi être insérées dans le rapport de gestion notamment sur les rejets de gaz à effet de serre de la société ; ou encore s’agissant de la protection de la biodiversité, quelles mesures ont été prises pour la préserver ou la développer. Enfin, et c’est une nouveauté à souligner même si la rédaction reste ambiguë, le rapport de gestion doit aussi comporter des informations relatives aux engagements sociétaux en faveur du développement durable, notamment sur l’impact territorial, économique et social de l’activité de la société (en matière d’emploi et de développement régional, et sur les populations riveraines ou locales) et sur les relations entretenues avec les personnes ou les organisations intéressées par l’activité de la société, comme les associations d’insertion, les établissements d’enseignement, les associations de défense de l’environnement, les associations de consommateurs et les populations riveraines (sur les conditions du dialogue avec ces personnes ou organisations, sur les actions de partenariats ou de mécénat), enfin sur la sous-traitance et les fournisseurs avec la prise en compte dans la politique d’achat des enjeux sociaux et environnementaux. Cette liste d’informations concerne toutes les entreprises concernées par l’obligation de reporting environnemental.

Mais, dans son alinéa 2.2, l’article R. 225-105-1 prévoit également une liste d’informations environnementales complémentaires uniquement pour les sociétés cotées. Ces informations reprennent les différents points précédemment énoncés avec tout d’abord l’obligation d’information sur la politique générale en matière environnementale qui requière dans le rapport l’indication du montant des provisions et garanties pour risques en matière d’environnement (avec la réserve toutefois que cette information ne soit pas de nature à causer des préjudices sérieux à la société dans un litige en cours) ; la pollution et la gestion des déchets ; l’utilisation durable des ressources et notamment l’utilisation des sols ; le changement climatique et les adaptations de la société à ce changement. Enfin sur les informations relatives aux engagements sociétaux en faveur du développement durable, le décret souligne l’importance de la sous-traitance et la prise en compte dans les relations avec les fournisseurs et les sous-traitants de leur responsabilité environnementale, et, la loyauté des pratiques notamment s’agissant des mesures en faveur de la santé et de la protection des consommateurs.

S’agissant des sociétés possédant au moins une installation classée, prévues à l’article L. 515-8 du Code de l’environnement, qui présentent les risques les plus grands, le rapport de gestion doit informer sur la politique de prévention du risque d’accident technologiquement menée par la société, rendre compte de la capacité des associés de la société à couvrir sa responsabilité civile vis-à-vis des biens et des personnes du fait de l’exploitation de telles installations, et préciser les moyens prévus par la société pour assurer la gestion de l’indemnisation des victimes en cas d’accident technologique engageant sa responsabilité.

L’article R. 225-105-2 confirme le contrôle des informations exigées en matière environnementale. Cette obligation de vérification des informations par un organisme tiers indépendant, s’applique pour les sociétés cotées, à partir de l’exercice ouvert après le 31 décembre 2011 ; pour les sociétés non cotées, à partir de l’exercice clos au 31 décembre 2016.

L’organisme tiers indépendant appelé à vérifier le contenu du rapport de gestion est désigné par le conseil d’administration ou le directoire, pour une durée qui ne peut excéder six exercices, parmi les organismes accrédités à cet effet par le Comité français d’accréditation (COFRAC) ou par tout autre organisme d’accréditation signataire de l’accord de reconnaissance multilatéral établi par la coordination européenne des organismes d’accréditation. Sont ainsi exclus de cette mission les commissaires aux comptes pourtant au préalable fortement pressentis à cette fonction. Le rapport de cet organisme tiers indépendant doit comporter une attestation relative à la présence dans le rapport de gestion de toutes les informations prévues par l’article R. 225-105-1, signalant, le cas échéant, les informations omises et non assorties des explications prévues, ainsi qu’un avis motivé sur la sincérité de ces informations, le cas échéant, les explications relatives à leur absence, et enfin les diligences qu’il a effectuées pour la conduite de sa mission de vérification. On peut toutefois se permettre la critique de l’avis non contraignant de cet expert. Dès lors, en cas d’information environnementale fausse, incorrecte, insuffisante ou absente, aucune sanction n’est prévue à l’encontre de la société. De même, aucune sanction n’est prévue en cas d’avis ou d’attestation défaillant de l’expert.

La Commission Lepage (rapport de février et en juin 2008, respectivement pour la première et la deuxième partie, sur la gouvernance écologique, formulant des propositions qui s’appuient sur des conclusions du Grenelle de l’environnement et concernant le droit à l’information, l’expertise et la responsabilité) proposait d’imposer contractuellement aux fournisseurs et prestataires des exigences contractuelles en matière sociale et environnementale contractuelles. Cette idée n’a donc pas été reprise, le décret ne parlant que d’une « prise en compte » de ces enjeux dans leur politique d’achat, dont on peut ainsi douter de la mise en œuvre concrète.

Mais surtout le décret RSE, si attendu, n’est autre qu’un pas en arrière vis-à-vis de la loi Grenelle II car il vient supprimer l’obligation du reporting RSE produit par les filiales. L’obligation d’information environnementale ne concerne donc plus que les sociétés-mères et non leurs filiales. Ce retour en arrière vient assouplir les modalités du reporting pour les filiales qui en sont désormais exonérées. C’est un recul regrettable pour l’environnement par rapport à l’avancée qui avait été faite avec la loi Grenelle II.

En application de l’article L. 225-102-1 du Code de commerce, l’effectivité de l’application de ce décret devra faire l’objet d’un rapport du Gouvernement au Parlement tous les trois ans, s’agissant particulièrement de « l’application des dispositions par les entreprises et sur les actions qu’il promeut en France, en Europe et au niveau international pour encourager la responsabilité sociétale des entreprises ».



La transparence environnementale semble bien assurée au sein des entreprises françaises. En est-il de même pour leurs voisines italiennes ?



II. Le régime de l’information environnementale en Italie


En Italie, les sociétés fournissent des informations sur les conséquences environnementales de leurs activités mais ceci ne fait pas l’objet d’une obligation dans la loi. Le concept de Responsabilità Sociale delle Imprese existe mais ne donne pas lieu à une loi précise sur l’obligation d’information environnementale et seules les sociétés dont les activités sont dangereuses, équivalentes à celles de nos installations classées, inscriront dans leur rapport annuel les conséquences de leurs activités sur l’environnement. L’administration en évalue le contenu au travers des procédures de valutazione ambientale.

Il s’avère que « l’obligation » d’information environnementale de la société se trouverait non pas dans une obligation de loi précise mais s’insèrerait dans les modèles d’organisation et de gestion disciplinés par le décret législatif n. 121 du 7 juillet 2011, réformant le décret législatif n. 231 du 8 juin 2001. On entend par modèles d’organisation et de gestion des systèmes relatifs justement à l’organisation et la gestion de la société, comprenant notamment des informations sur les certifications environnementales ou le système de management européen EMAS adoptés. En Italie, l’objectif principal de ces « MOG » est d’éliminer le risque d’infraction environnementale. Ils doivent contenir des éléments voués à la planification financière de l’entreprise, à la gestion de ses ressources, comprendre un organe de vigilance, lequel doit mettre en œuvre un système de report des données et des informations périodiques, élaborer un système de sanctions disciplinaires et un système de formation du personnel de l’entreprise sur les thèmes des infractions environnementales et de leurs conséquences en matière de responsabilité pénale des personnes physiques et de la personne morale.

Il semble que le concept de Responsabilité Sociale de l’Entreprise doit encore davantage se développer pour ne plus être qu’un moyen d’image environnementale de la société mais bien un moyen de prévenir le dommage environnemental. On peut regretter un manque d’obligation en matière d’information environnementale dans ce pays. La menace de l’indemnisation du dommage écologique devrait favoriser l’adoption de la part des entreprises de systèmes productifs plus respectueux de l’écosystème et du territoire, du moins pour ce qui est des mesures de précaution moins coûteuses que la réparation du dommage écologique.



Fort est donc de constater un déséquilibre entre le régime de transparence environnementale italien et français.